#NIFFF2021 Critique : Midnight in a Perfect World de Dodo Dayao

Ce 2 juillet s’est lancé l’édition 2021 du Festival international du film fantastique de  Neuchâtel, un bel événement en Suisse qui célèbre, entre autres, le cinéma asiatique. On y trouve à ce propos en compétition officielle le film Midnight in a Perfect World de Dodo Dayao. Le cinéaste Philippin y dévoile en première internationale son film d’horreur qui nous plonge dans un futur proche où Manille, devenue sorte de ville utopique, se révèle être d’une violence inouïe à la nuit tombée.

Synopsis :
Manille, futur proche. D’étranges coupures d’électricité surviennent après minuit. Piégés pendant l’une d’elles, quatre amis vont découvrir ce que cache l’obscurité. (NIFFF)

L’horreur de Midnight in a Perfect World joue sur les peurs. Le groupe qui se retrouve piégé dans l’obscurité tente d’échapper coûte que coûte à une horreur dont on ne sait pas grand chose, si ce n’est qu’il existerait des « safe house » un peu partout à Manille où il serait possible de se cacher des créatures après avoir été pris en chasse. Cette manière de jouer sur l’inconnu est plutôt bien vue, d’autant plus que cela se traduit de la meilleure des manières à l’image avec certaines scènes qui se déroulent dans une obscurité quasi-intégrale, où l’on ne distingue pas grand chose à part les cris. L’horreur est supposée, imaginée et elle terrorise ses personnages (mais nous, pas vraiment).

C’est peut-être là un des plus gros problèmes du film. Dodo Dayao a bien du mal à faire ressentir ce sentiment effroyable, cette horreur si prégnante pour des personnages qui perdent la tête à mesure que la nuit avance. L’utopie apparente cache en effet une réalité bien plus violente, un prix à payer, qui incarné par des créatures sur lesquelles le film ne s’étend pas beaucoup. Et c’est peut-être une erreur, car se contenter de parler des émotions plutôt que de montrer ce qu’il y a de si effrayant est un exercice difficile. Un choix que le réalisateur a bien du mal à assumer dans un film qui ne fait jamais vraiment peur, et qui n’inspire pas non plus de crainte pour le destin de ses personnages -malgré des interprétations tout à fait solides. Le film parvient tout de même à raconter le sentiment d’impuissance face à une situation impossible pour des personnages qui n’ont a priori aucune chance de s’en sortir.

© Globe Studios PH

Midnight in a Perfect World n’est toutefois pas qu’une simple histoire d’horreur, il y a un sous-texte politique assez évident sur la « guerre contre la drogue » du président Philippin, Duterte, depuis quelques années. Une « guerre » où partent la nuit escadrons en chasse de personnes soupçonnées d’avoir un vague lien avec la drogue (consommateurs ou dealers). Une politique qui a déjà fait des milliers de morts, symbole d’une horreur qui se propage dans les rues. Paradoxalement, c’est bien une utopie vendue par le politicien -comme le film raconte une ville prétendument utopique- qui pouvoir créer un monde meilleur en se débarrassant violemment de la drogue dans le pays

La critique politique est intéressante et permet d’aborder l’horreur de cette « guerre » (qui est, en réalité, un massacre). Mais le sous-texte ne cache pas les lacunes d’un film parfois pénible, au rythme hasardeux alors que d’autres films ont récemment abordé ce même sujet d’une manière plus intéressante, comme Watch List de Ben Rekhi avec la fantastique Alessandra de Rossi. Il y a toutefois dans le film de Dodo Dayao de belles réussites, notamment en matière d’image grâce à la direction photo de Albert Banzon et Gym Lumbera qui prouve qu’il y a de vrais talents aux Philippines. Des talents que l’on aimerait voir plus souvent passer les frontières de l’Europe pour pouvoir apprécier un cinéma qui ne cesse de se réinventer et de proposer de belles idées (si vous me lisez, ami·e·s distributeur·ice·s). Les deux actrices, Jasmine Curtis-Smith et Glaiza de Castro tiennent d’ailleurs le film à bout de bras en incarnant des personnages opposés mais toutes deux confrontées à une même horreur, à un même destin.

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