Dans quelques jours auront lieu les commémorations du dixième anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Un accident nucléaire qui a eu lieu le 11 mars 2011 dans la centrale de Fukushima-Daiichi, à la suite d’un séisme et d’un tsunami sur la côte Pacifique du Tohoku. 130 000 personnes ont été déplacées et plus de 15 000 ont perdu la vie suite à la catastrophe naturelle, tandis que l’accident nucléaire aurait provoqué divers maladies. Un moment traumatisant dans l’histoire récente Japonaise, et c’est à l’occasion des dix ans que le cinéaste Setsuro Wakamatsu s’est emparé du sujet pour réaliser Fukushima 50, un film qui retrace les heures qui ont suivies le tsunami au sein de la centrale. Le film est disponible en France en VOD, DVD et Blu-ray depuis le 3 mars 2021.
Synopsis:
Le 11 mars 2011, un séisme d’une magnitude 9 a engendré un gigantesque tsunami sur la côte Pacifique du Tohoku, ravageant tout ce qui se dressait sur son passage. Parmi les bâtiments touchés, la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, qui a en partie résisté, mais dont les lourds dégâts ont fait surchauffer les réacteurs. Pour empêcher une explosion, cinquante volontaires parmi les employés de la centrale tentent le tout pour le tout.
Les cinquante de Fukushima, c’est le nom donné par les médias au lendemain de la catastrophe. Il s’agit en réalité d’employés (ouvriers, ingénieurs), qui se sont porté volontaires afin de rester sur place et de procéder aux premières tentatives de réparation afin de refroidir autant que possible les réacteurs, de manière à éviter une explosion qui aurait eu des conséquences inimaginables. Un travail extrêmement dangereux car ils étaient aux premières loges, sans réelle garantie pour leur santé au long cours en ayant subi d’aussi fortes radiations. Cela a été l’occasion de reparler de « liquidateurs », un nom donné au personnel de Tchernobyl qui était allé au devant du danger pour limiter les dégâts, comme l’on fait ensuite les cinquante de Fukushima. Alors c’est un sujet difficile, encore traumatisant pour une partie des Japonais, mais aussi parce qu’il aborde une question fondamentale dans le cinéma qui cherche à témoigner et à raconter un événement historique : comment parler des héros ?
Setsuro Wakamatsu aborde cette histoire dans une sorte de huis-clos au sein de la centrale de Fukushima-Daiichi. Si de nombreuses scènes racontent l’extérieur, la majorité de l’action se passe à l’intérieur d’une centrale en perdition, qui n’est pratiquement plus alimentée en électricité, et où les réparations s’organisent sans trop que les ouvriers sachent si cela aurait réellement un impact positif. Mais ce qui importe le cinéaste, ce n’est pas vraiment la centrale elle-même, plutôt ses employés. Sa particularité est qu’il filme l’action sans fioritures, avec une pudeur et une justesse qui rappelle la série Chernobyl (disponible sur OCS) récemment, dont le sujet était similaire. Tant pour sa manière de filmer les hommes (et non pas la catastrophe, évitant un côté sensationnaliste qui serait malvenu) mais aussi pour ses tons de couleurs. De plus, il fait le choix de raconter son film dans un format proche du documentaire avec une prise de recul importante sur ses personnages, qui apparaissent plus comme des inconnus que des héros d’un film, ainsi qu’en utilisant quelques artifices propre au genre entre la reprise régulière de la chronologie des événements et les différents points de vue sur la catastrophe (employés, habitants, militaires et politiques).
Il y raconte les sacrifices des ingénieurs et ouvriers les plus âgés, qui veulent protéger les plus jeunes, mais surtout le film fait un parallèle intéressant entre la colère froide qui s’enclenche peu à peu dans la population, à l’extérieur, en opposition à l’urgence de la situation des premières minutes dans la centrale. Comme si des milliers de choses se passaient au sein de la centrale pendant qu’à l’extérieur, on continue de dire que tout va bien se passer. C’est évidemment un choix tout à fait compréhensible, la catastrophe ayant donné lieu à de nombreuses accusations contre les responsables de la centrale et les politiques qui auraient minimisé publiquement les effets du tsunami sur les réacteurs (d’ailleurs, l’évacuation des habitants n’a lieu que 27 heures après le séisme). Et cela fonctionne, le film n’en devient que plus poignant en prenant la mesure de l’horreur sans en rajouter des tonnes : on sent les causes du traumatisme d’aujourd’hui se mettre en place tout doucement, sans le moindre sensationnalisme, et toujours avec une pudeur qui donne beaucoup de force à l’acte des cinquante de Fukushima.
Mais paradoxalement, la froideur du film peut parfois lui porter préjudice, notamment lorsqu’il s’essaie à l’émotion au sein des proches des ouvriers, des séquences qui fonctionnent moins que le récit au sein de la centrale. On doit avouer aussi que ces séquences ont largement souffert du format dans lequel nous avons pu voir le film, puisqu’il s’agissait d’une version doublée en Français particulièrement peu qualitative, à tel point que l’on vous déconseille absolument de passer à côté de la version originale. Les doubleurs Français surjouent misérablement les situations jusqu’à parfois en devenir comique, là où les acteurs du film font pourtant un travail tout à fait correct. Parmi eux on y trouve un Ken Watanabe habité par son rôle de supérieur des ouvriers de la centrale, tandis que ces derniers traduisent merveilleusement les doutes et les peurs qui s’installent vite parmi eux.
L’exercice était compliqué mais Fukushima 50 s’en sort plutôt bien. Si ses scènes qui tentent parfois de forcer l’émotion ne fonctionnent pas toujours, le film tape en général plutôt juste quand il aborde son huis-clos dans une centrale en perdition, ainsi que pendant les joutes politiques qui s’organisent au moment où chacun tente de se défausser de toute responsabilité. C’est un bel hommage aux cinquante de Fukushima, imparfait, mais qui permet d’offrir un regard différent sur une catastrophe qui a encore un impact dans la vie de nombreux Japonais.