Critique : Belle de Mamoru Hosoda

Le virtuose japonais nous offre un nouveau long-métrage d’une maîtrise esthétique parfaite. Véritable conte de fées contemporain, Belle confirme la place de Mamoru Hosoda parmi les plus grands de l’animation japonaise et mondiale. Un film que j’attendais avec une grande impatience étant donné la fan inconditionnelle du cinéaste. Et c’est une très belle réussite !

Synopsis

La jeune Suzu qui n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis le décès de sa mère. Elle reprend néanmoins goût à la vie grâce à Bell, son avatar dans le monde virtuel d’U. Promue au rang de star mondiale de la chanson sur le réseau social, Bell fait la rencontre du « Dragon », un avatar taciturne qui semble troubler l’ordre de U. Touchée par son regard, Bell part à sa recherche pour lui venir en aide et découvrir son identité.

Un conte merveilleux à l’ère numérique

La qualité esthétique de l’ensemble du film est incontestablement fabuleuse. Deux heures durant, chaque séquence dans le monde d’U est plus époustouflante. La bande originale ajoute à la somptuosité des décors, des costumes. Rien n’est laissé au hasard, le foisonnement de couleurs ne cesse d’émerveille le spectateur. L’immersion est totale. On savoure chaque instant, surtout les plus contemplatifs où la dimension esthétique est poussée à son maximum.

Il faut pourtant souligner que l’émerveillement se situe autant dans la forme que dans le fond. Au prétexte d’un conte de fées à l’ère du numérique, Le Dragon et la princesse aux taches de rousseur  (titre japonais) fait voyager d’un univers à l’autre jusqu’au plus profond des êtres. Comme en 2009 avec Summer Wars, dans Belle le réel rencontre le virtuel. Mais cette fois, Mamoru Hosoda voit plus grand et va toujours plus loin. Alors que le monde d’Oz dans Summer Wars ne comptait « que » plusieurs centaines de millions d’inscrits, U en regroupe plusieurs milliards. De quoi donner le tournis ! Les échelles sont toujours plus vastes, les interactions plus poussées. On se risque à y voir une métaphore de la diffusion de son propre travail à travers le monde. De nombreuses questions sont posées, certaines laissées en suspens, à la discrétion du spectateur. Seul petit bémol peut-être : à force de multiplier les sujets, Mamoru Hosoda se perd quelque peu. Le long-métrage se révèle plein de bonnes intentions mais c’est peut-être un peu trop. Le propos aurait sans doute mérité d’être resserré pour une lecture plus claire de toutes les thématiques.

Vers toujours plus d’universalité

Pour des connaisseurs et des fans incontestés du cinéma du fondateur du studio Chizu, Belle met en jeu l’ensemble de ses obsessions : la connexion entre les mondes, la question de l’humanité et de la bestialité, le récit initiatique. Il maîtrise pourtant les différentes dimensions avec brio. J’ai eu le privilège de le visionner lors de l’ouverture du Festival du Carrefour d’animation du Forum des images en décembre dernier.

L’audience a pu profiter de la présence de Tomm Moore, réalisateur de Brendan et le secret de Kells et du Peuple Loup. Assistant-réalisateur pour Belle, il nous a décrit sa rencontre avec Mamoru Hosoda et dans quelle mesure il a contribué au film. Les habitués de son travail reconnaîtront son style. Avec cette collaboration, le réalisateur japonais élève son travail à un autre niveau. Il tend toujours plus vers l’international, vers le global. Il jongle avec les différents styles et les références. Les références à la Belle et la Bête sont assumées et donnent envie de (re)visionner le film de Jean Cocteau de 1946 et la version Disney animée de 1991. Le film tend certes à l’universel par ses thématiques et par ses références. Mais certains passages mettent en scène des moments humoristiques typiquement nippons. Tout fan d’animes japonais y retrouvera des codes issus des shojo et des shonen.

Belle réchauffe les coeurs et peut être le film parfait à aller découvrir en salles en ce début d’année !