Critique : Time and tide de Tsui Hark

L’histoire :  À Hong Kong, la brève rencontre entre Tyler, un jeune homme habitué aux dangers de la rue, et Jo, une femme policier infiltrée, ne sera pas sans conséquence : celle-ci tombe enceinte. Afin de gagner de l’argent rapidement, Tyler devient garde du corps. Au service de Hong, le chef d’une puissante triade, il s’associe avec Jack, un ancien mercenaire décidé à entamer une nouvelle vie avec Hui, la fille de Hong, qu’il vient d’épouser et qui attend un enfant de lui. Ensemble, Tyler et Jack parviennent à déjouer une tentative d’assassinat dirigée contre leur employeur, mais leur collaboration va être de courte durée. De complots en guets-apens, d’intérêts opposés en trahisons, ils vont se retrouver opposés et entraînés vers une confrontation mortelle.

Time and tide réalisé par Tsui Hark en 2000 est sorti, et est toujours disponible en combo Blu-ray/dvd dans une superbe édition signée Carlotta.

Retour sur les 20 ans de Time and Tide, qui reste aujourd’hui encore, un monument du cinéma hongkongais comme on n’en fait plus, un peu le « film somme » de Tsui Hark. Pour autant Time and tide n’est pas facile d’accès, il se voit comme une expérimentation, la narration ayant été amputée au montage (passé de 2h40 à 1h53), mais aussi à l’étape de l’écriture en elle-même, Tsui Hark ayant apparemment filmé au gré de ses envies d’actions au détriment de la logique narrative. On va le dire sans détour, comprendre tous les tenants et les aboutissants de Time and tide relève un peu du défi… En effet, le maître-mot de ce film sera le « chaos », un chaos certes orchestré, duquel Tsui Hark arrivera à faire naître une expérience cinématographique singulière et unique.

Time and tide commence comme un Wong Kar Wai des 90’s, ambiance urbaine et nocturne, sous les néons, des personnages séduisants, qui communiquent entre eux par l’absurde… ça va vite, très vite. Après une entrée en matière en mode comédie noire romantique, on bascule tout à coup dans le polar d’action à coups de règlements de compte, et en pastichant John Woo au passage, en effet les colombes ne sont pas bien loin…

Tsui Hark n’a aucune limite dans les scènes d’action, tout le passage sur le bloc d’immeubles délabrés demeure encore aujourd’hui un sommet de mise en scène de cascades, avec une caméra virevoltante. C’est dans cette scène qu’on retrouve le fameux plan de chute à travers la fenêtre avec la caméra qui suite le cascadeur. Après la scène des blocs d’immeubles, la scène de l’aéroport est un véritable un morceau de bravoure, complètement baroque, avec un Wu Bai « glissant » qui détonne.

Nicholas Tse, lui endosse le rôle de Tyler à la perfection, aussi bien dans les scènes décalées, que dans l’action pure. Time and Tide, c’est un peu un grand huit de la cascade et des trouvailles visuelles. Tsui hark expérimente ou plutôt parachève ses expérimentations des films précédents comme Piège à Hong Kong où sa caméra était déjà intenable et folle. Certains effets comme le « bullet time photography » emprunté à Matrix sorti un an auparavant, peuvent apparaître un peu désuets, mais ils servent l’action, donc ne sont en rien gênant. Parking, tour d’immeuble, aéroport, salle de concert, Tsui Hark trouve des endroits cinégéniques pour créer des scènes coup de poing, à l’instar de l’accouchement à la fin du film, de la mort naîtra la vie, du chaos naîtra une œuvre ambitieuse et unique.

En conclusion, Time and Tide, clôt incroyablement la décennie 90s tel un film somme du polar d’action Hong kongais, une sorte de manifeste flamboyant qui ne peut laisser insensible, tout en se projetant sur les années 2000 par son inventivité et son audace. Étonnamment, il sera le dernier polar de Tsui Hark, hors le film collectif Triangle, celui-ci laissera la place à un Johnny To des plus inspirés en ce début des années 2000 (Fulltime killer, Running out of  time, Ptu, Breaking news, Election, etc.), quand Tsui Hark se dirigera vers un cinéma plus classique avec le remake de film Dragon gate puis les Detective Dee.

Time and tide reste une expérience unique qu’il faut voir et même revoir pour pouvoir en apprécier pleinement la mise en scène complétement déjantée, on restera cependant un peu sur sa faim concernant l’intrigue et la dramaturgie. Plusieurs éditions sont sorties, une dvd, une bluray/Dvd, et l’édition prestige qui semble toujours disponible, elle comprend un livret riche en explications, une reproduction d’un cinéphage avec l’itv de Tsui Hark, des cartes, l’affiche du film, etc. La copie bluray est impeccable et les bonus permettent de mieux appréhender la conception de ce film fou grâce aux interventions de Charles Tesson, Karim Debbache, ou encore Julien Carbon et Laurent Courtiaud. Absolument un must have !

 

Ci-dessous l’édition prestige

 

 

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