LUFF 2020 – Critique : Junk Food (1997) de Masashi Yamamoto

Date de sortie
1997
Réalisateur
Masashi Yamamoto

A la fin des années 1990, Masashi Yamamoto s’envolait pour les États-Unis où il y tourne Limousine Drive. Mais juste avant de partir, il propose en 1997 le film Junk Food, une nouvelle fable sociale où il dressait un visage terriblement sombre de la fascinante ville de Tokyo. Le focus sur le réalisateur au LUFF 2020 est une bonne occasion pour nous de revenir sur l’une des plus belles réussites du cinéaste.

Synopsis :
Une employée de bureau toxicomane, une catcheuse mexicaine, un gang et un ouvrier pakistanais vivent une autre Tokyo, loin de l’image que chacun se fait d’une ville constamment en mouvement. Ils vivent en marge, sous une facette sombre de la capitale japonaise, où ils échappent au quotidien tout tracé de leurs congénères.

Dix ans après Robinson’s Garden, Masashi Yamamoto a mûri, il aborde ses thèmes avec un recul plus important et finalement bien différent de l’innocence qui transparaît dans ses premiers films. Pourtant, il reprend ses thèmes habituels : les marginaux d’une société qui les rejette. Mais ce qui monopolise son attention dans Junk Food, c’est le caractère « jetable » de ses protagonistes au regard de la communauté. C’est la fin des années 1990, Tokyo fait face à un désenchantement suite à la crise financière du début de la décennie, l’utopie laisse place à une dure réalité. Celle de citoyens qui ressentent le besoin de s’échapper, comme cette employée de bureau qui trouvait un certain réconfort dans la drogue. Ou d’autres que la société n’admet pas, comme une catcheuse mexicaine et un ouvrier pakistanais qui ne seront jamais pleinement intégrés à la société, peu importe la force de leurs combats.

Les quatre univers se mêlent, l’employée de bureau cherche sans cesse à assouvir son addiction, l’ouvrier pakistanais fait face à un retour à la réalité violent après son rêve d’une autre vie, les membres des gangs et la catcheuse ne trouvent pas leur place. Ce qui les unis tous, c’est de vivre en marge de ce que la société attend d’eux : ils sont tous loin d’une vie bien rangée, rejetés par leurs pairs. Masashi Yamamoto met en exergue les jolies prestations de ses acteurs et actrices qui incarnent une vision désabusée d’une ville de Tokyo sombre, violente et faite de désespoir. C’est une manière finalement très nihiliste de mettre en scène la ville, à la manière de son Saint Terrorism. Mais il le fait avec plus de maturité et une meilleure capacité à saisir le moment de bascule pour des gens qui, au départ, étaient comme les autres.

Quel plaisir de redécouvrir ce film à l’occasion du LUFF 2020. Car le cinéaste japonais y aborde des thèmes qui lui sont chers en s’appuyant cette fois-ci sur une meilleure maîtrise de l’outil cinématographique. Plus solide visuellement, mieux armé sur sa narration, il propose un film plus cohérent et moins « fourre-tout » que ne pouvaient l’être Saint Terrorism ou Robinson’s Garden. La violence ne passe plus vraiment par les images, plutôt par les sensations et les épreuves opposées à ses personnages. Les dialogues, relativement peu nombreux, traduisent un mal-être ambiant dans les ruelles sombres de Tokyo où beaucoup sont abandonnés par un monde qui va trop vite.