Cannes 2016 – Critique : Diamond Island de Davy Chou : Phnom Penh Stories

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3.5

Aujourd’hui à Cannes, le Cambodge était à l’honneur puisque le nouveau documentaire énigmatique de Rithy Panh, Exil, était présenté en Séance Spéciale, mais surtout, le film de Davy Chou, Diamond Island, se dévoilait à la Semaine de la Critique.

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Après l’excellent documentaire Le Sommeil d’Or et quelques travaux plus ou moins réussis sur du court-métrage et du moyen-métrage, le jeune réalisateur franco-cambodgien était attendu au tournant sur son premier long-métrage de fiction. Pour l’occasion, il continue de s’intéresser à la jeunesse de Phnom Penh, qu’il suit le jour sur les chantiers de l’île ultra-moderne Diamond Island, et la nuit dans les rues illuminées de la ville. Parmi eux, Bora et son groupe d’amis flânent au milieu des buildings et des fêtes foraines, à la recherche de ce qui pourrait remplir le vide de leur existence.

Ce sont évidemment les aléas de l’adolescence que filme Davy Chou, cette jeunesse qui tente de se construire, dans un pays tellement détruit par son histoire qu’il ne sait pas vraiment comment renaître, accumulant les projets immobiliers dans un désordre total. Coincé entre les grues et les esquisses de luxueuses bâtisses, Bora ne pense qu’à une chose : sortir le soir venu pour s’amuser avec ses potes et balader une fille sur son scooter. Jusqu’au jour où il reprend contact avec son frère ainé, Solei, disparu cinq ans plus tôt sans donner de nouvelles. La réapparition soudaine de Solei dans la vie de Bora résonne comme une porte d’entrée vers ce nouveau monde constitué de rêves et de promesses d’ailleurs. Mais vouloir aller de l’avant requiert souvent des sacrifices. Bora doit-il laisser de côté son amitié ? Doit-il oublier son amour envers la jeune Aza, une jeune fille rencontrée quelques temps plus tôt ?

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Cette dichotomie permanente qui parcourt la vie de notre héros alimente la mise en scène élégante de Davy Chou. Les rues de Phnom Penh et les hôtels de Diamond Island gangrènent le cadre et s’inscrivent comme des personnages à part entière, ramenant Bora et les autres à leur propre réalité. Le réalisateur ose même parfois décaler un dialogue hors-champ pour s’attarder sur la ville elle-même, ses bruits, ses couleurs, ses lumières, le temps d’un long panoramique qui rappelle le cinéma de Jia Zhang-ke. Forcément inspiré par ses maîtres, Davy Chou n’en trouve pas moins son propre style, qu’il maîtrise déjà à la perfection. Le travail esthétique et sonore force l’admiration.

Tout juste peut-on reprocher quelques moments de flottement et quelques redites qui n’étaient pas obligatoires, néanmoins Diamond Island reste un vrai beau film, poétique, romanesque et réaliste à la fois, qui vit et bouge en permanence. L’amour de Davy Chou pour ses personnages, joués par de formidables acteurs non-professionnels repérés sur les chantiers de l’île, transpire à l’écran. Nous plonger dans les nuits cambodgiennes à leur côté devient un véritable plaisir.