Critique : Le Sommeil d’Or de Davy Chou

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Bien que rare, les films ayant pour sujet le génocide cambodgien avec ses causes direct ou non existent et il est toujours intéressant d’avoir un éclairage nouveau sur le conflit. Cette fois c’est non seulement un documentaire sur le sujet mais plus directement sur le cinéma cambodgien en général et sa disparition avec l’arrivé du régime des Khmers rouge.

La famille du réalisateur ayant été touché directement par le sujet du cinéma cambodgien, on aurait pu craindre une trop grande implication émotionnelle de sa part, pourtant il n’en est rien et il nous livre une œuvre simple et touchante mettant en lumière un cinéma autrefois prolifique et qui a maintenant bien du mal à renaitre.
Les témoignages des protagonistes sont tous touchants, les acteurs, réalisateurs ou même fan de cinéma évoquent  tout de ce qui n’est aujourd’hui plus qu’un souvenir puisque très peu d’élément sont encore disponibles, le conflit ayant effacé toute trace d’une industrie florissante.
Seul les musiques des films sont là pour nous rappeler qu’il a bien existé un cinéma cambodgien avant l’arrivé au pouvoir des Khmers rouges, les cinémas ayant été transformé en restaurant ou en Karaoké durant le conflit. Ces musiques sont d’ailleurs bien connus d’une grande partie de la population (en tout cas ceux  à qui j’ai demandé).
Lorsque le réalisateur se rend sur les lieux des studios ou des salles de cinéma, ceux-ci sont maintenant au mieux des squats, au pire des ruines en reconstructions.
Davi Chou évoque aussi le conflit d’une manière plus général avec non pas le devoir de mémoire qui semble se manifesté chez la jeune génération exilé mais celui de l’oubli, de la douleur et le désir pour ceux qui ont connus cette sombre époque de pouvoir passer à autre chose le plus rapidement possible. C’est notamment les raisons invoqués par un ancien réalisateur cambodgien quand ses enfants qui ignoraient tout de cette époque lui demandent pourquoi il n’en a jamais parlé.
Il y a donc une opposition entre ces deux désirs et le document retrace parfaitement cette contradiction de deux génération avec un même but mais deux idées différentes : Pouvoir avancer grâce à l’oubli pour l’une et se souvenir pour l’autre.
Si parfois on peut repprocher quelques longeurs au film, il n’en est pas moins indispensable pour ceux qui veulent en savoir plus sur le cinéma Cambodgien et pour tous les autres, celui-ci apportant un éclairage moins sombre, tout en restant dramatique, au conflit. Brillant !

L’ORIGINE DU PROJET

Enfant, on m’avait dit que mon grand-père, que je n’ai jamais connu, était producteur de cinéma au Cambodge. Je n’avais pas cherché à en savoir plus et tout cela est longtemps resté très vague pour moi. Ce n’est qu’après avoir moi-même commencé à faire des films que j’ai un jour demandé à ma tante (qu’on voit au début du film) de me raconter l’histoire de ce grand-père. J’ai alors appris qu’il avait été l’un des principaux acteurs d’une histoire dont je n’avais jamais entendu parler : la naissance tardive puis l’explosion du cinéma cambodgien dans les années 60 et la première moitié des années 70. Près de 400 films produits avec un enthousiasme extraordinaire par des cinéastes et acteurs qui faisaient leurs premiers pas, inventant un cinéma de légendes et de romances, et rencontrant un gigantesque succès populaire. J’ai immédiatement eu l’idée de faire un film racontant cette histoire inconnue, avec l’excitation de celui qui vient de découvrir un monde secret, merveilleux et englouti.

Il y avait aussi une espèce d’urgence :cette histoire est vieille de quarante ans,et ceux qui peuvent en témoigner ont aujourd’hui près de soixante-dix ans. Comme rien n’avait été fait, écrit ou dit à ce sujet, il fallait faire ce film avant qu’il ne soit « trop tard », que les souvenirs s’évanouissent et que les personnes disparaissent.