LUFF 2020 – Critique : Wonderful Paradise (2020) de Masashi Yamamoto

Date de sortie
2020
Réalisateur
Masashi Yamamoto

A l’honneur cette année au LUFF 2020, la filmographie de Masashi Yamamoto s’est, pour l’occasion, en partie dévoilée dans nos colonnes ces derniers jours. Il est temps d’y mettre un point final avec Wonderful Paradise, le dernier film en date du cinéaste japonais. Projeté à Lausanne, le film offre une vision différente de son travail, résolument plus optimiste qu’à son habitude.

Synopsis :
Un père de famille est contraint de vendre la grande maison familiale, contre l’avis de ses enfants qui ne veulent pas la quitter. Alors pour lui dire un dernier adieu, sa fille organise de manière imprévue une grande fête en invitant n’importe qui sur les réseaux sociaux.

Organiser une fête improvisée, comme une manière de dire au revoir à sa vie passée, apparaît comme une évidence pour la jeune femme. L’immense maison familiale et son jardin sont envahis par des inconnus qui viennent y trouver une forme de réconfort : un mariage y est célébré, des gens de tous horizons se réunissent dans ce petit coin de « paradis » pour échapper à des problèmes personnels. Que ce soit des vieux qui n’ont plus grand monde pour s’intéresser à eux ou des jeunes paumés par la vie. Les choses prennent vite un tournure loufoque, dans un film où Masashi Yamamoto tente de célébrer une forme d’ode à la liberté et l’impertinence, faisant fi de tous les codes sociaux pour rapprocher de parfaits inconnus comme s’ils se connaissaient depuis toujours. En toile de fond, un vieil homme au comportement étrange qui semble motivé par une sorte de divinité, ou au moins des croyances qui n’appartiennent qu’à lui. L’occasion pour le cinéaste d’alimenter un peu plus cette volonté de mêler les genres et les univers, rassemblant tout le monde pour un but commun : s’amuser.

Et c’est une vraie évolution dans son cinéma, lui qui a souvent livré un constat amer sur la société. S’il aborde encore et toujours des personnages originaux et loin du carcan imposé par la société japonaise, il le fait cette fois-ci en célébrant la vie et l’amour, dans un récit où l’absurde est le moteur de chaque scène. On se prend à rire et à s’émouvoir pour cette galerie de personnages loufoques que rien dans la vie n’aurait dû rassembler, si ce n’est l’organisation d’une fête improbable pour marquer le coup. Cela donne aussi une bonne raison à Masashi Yamamoto de produire un film visuellement très coloré, très spontané, utilisant comme à son habitude la caméra pour capter l’innocence de ses personnages. Les actes sont très purs, très brut, et cela permet au cinéaste de montrer ses personnages dans un relatif naturel qui donne une force surprenante à sa célébration.

Evidemment il y met une dose de cynisme propre à son cinéma, mais on apprécie beaucoup la manière dont il s’échappe lui-même de ses habitudes. Après plusieurs décennies à dénoncer le cadre de la société qui n’accepte pas les originaux, il y a une ironie savoureuse à voir Masashi Yamamoto casser lui-même les codes qu’il s’est imposé au fil du temps. Il prend, avec ce nouveau film, toutes ses habitudes à contrepied en abordant son histoire avec optimisme, recherchant avant tout la beauté et l’humour dans cette journée qui pousse l’absurdité toujours plus loin, à mesure que de nouveaux protagonistes se joignent à la fête sans trop savoir pourquoi. On prend autant de plaisir que le réalisateur à voir jusqu’où les limites peuvent être repoussées, et c’est certainement une belle manière d’illustrer l’ensemble de son travail.