Nouvelle journée au Tokyo Film Festival, et nouvelle critique pour votre source préférée sur le cinéma asiatique. Avec The Hungry Lion, de Takaomi Ogata, un film engagé sur le destin tragique d’Hitomi une jeune lycéenne victime de rumeurs propagées sur les réseaux sociaux accusée d’avoir eu une relation sexuelle avec l’un de ses professeurs.
Ce film à charge contre le pouvoir des ‘’fake news’’ est avant tout une critique sur la société japonaise ou la loi du silence est une règle d’or. ‘’ Je crois que mon film est bien entendu une critique des mass media et des politiques cependant mon film se veut une satyre sur mes concitoyens.’’ Tourné délibérément comme un documentaire le film d’un réalisme brutal est une suite logique à son dernier film, Sunk in the Womb de 2013 qui évoquait déjà un cas de viol de mineur dans la ville d’Osaka. ‘’J’ai voulu faire ce film autour de ces cas de fausses rumeurs, pour montrer à quel point le pouvoir des images pouvaient détruire.’’
Tel un sacerdoce, Takaomi Ogata nous confie lors de notre interview, que son travail fut extrêmement éprouvant et difficile à réaliser tant le cinéma nippon est peu enclin à développer ce type de sujet ouvertement critique envers son pays pris dans un étau entre modernité et conservatisme. ‘’ Le casting a été difficile car la plupart des acteurs sont inexpérimentés mais aussi pour trouver les partenariats adéquates pour financer ce film abordant un sujet aussi grave.’’
Face à des jeunes peu enclin à respecter l’autorité des adultes qu’ils soient professeurs ou simplement parents, The Hungry Lion se veut comme un film qui accuse les réseaux sociaux qui derrière leurs façades colorées dites ‘’Kawaii’’(mignonne en japonais) remplies d’emoticones ou autres emojis ont provoqué inconsciemment chez leurs utilisateurs une certaine désinvolture sur ce qui est grave ou pas. Que ce soient les élèves d’un bahut de Tokyo ou bien les adultes, aucun de semble réaliser la gravité de ce type de rumeur pouvant même aboutir à l’acte suprême : le suicide. ‘’C’est devenu tellement commun le suicide dans mon pays que j’ai voulu non pas apporter des solutions mais que chacun d’entre nous puissent se questionner sur nos propres comportements.’’
L’actrice Urara Matsubayashi qui joue le rôle d’Hitomi est parfaite dans son jeu. Sachant précisément ce que souhaitait le réalisateur, elle a su offrir aux spectateurs ce que son rôle préfigurait. Une jeune ado qui en apparence était populaire, toujours à trainer avec ses copines, leader de l’équipe de Basketball mais qui au fur et à mesure du film voit son image de parfaite innocente jeune femme et en être humain perdue et désenchantée sans aucun soutien extérieur lorsque une sex tape mise en ligne semble prouver qu’elle y figure. Ne sachant pas comment y faire face, elle commence à s’isoler de plus en plus jusqu’à se convaincre que peut être ce qu’elle vit, est mérité. Dans un Japon où les femmes restent encore en second plan, Hitomi est devenue l’icône de milliers de jeunes japonaises mais aussi de manière générale à toutes les femmes victimes d’abus et de harcèlements. Dans un climat où les femmes occidentales n’hésitent plus à parler pour dénoncer ses actes ignobles avec en France le fameux #balancetonporc, le réalisateur espère par son film engagé, créer un électrochoc dans son pays pour qu’enfin les choses changent. ‘’ Ma plus grande joie serait de voir que mon film déclenche une prise de conscience générale dans mon pays qui manque cruellement d’imagination et d’ouverture.’’
Takaomi Ogata poursuivra donc son combat pour le droit des femmes et ainsi mettre des mots sur les maux. The Hungry Lion est un film dodu-fiction qui ravivera chaque personne amoureuse des drame-sociaux saupoudré d’une vision parfois crue mais terriblement vrai du Japon actuel loin des postures et autres clichés classiques.