Critique : Tamako in moratorium de Yamashita Nobuhiro

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4.5

L’histoire : Après ses études dans une université de Tokyo, Tamako revient dans sa ville natale habiter seule avec son père qui tient un petit magasin d’accessoires de sport.
 Tamako passe ses journées à ne rien faire. Dormir, lire des mangas, jouer à la console sont ses principales activités et elle laisse même à son père toutes les tâches ménagères, que ce soit la cuisine, la lessive ou la vaisselle. Celui-ci aimerait bien que sa fille cherche un travail mais elle s’obstine à ne faire aucun effort. Et les saisons passent, automne, hiver…
Quand vient le printemps, Tamako se dit qu’il serait peut-être temps de changer un peu.

Tamako in moratorium de Yamashita Nobuhiro est en compétition au festival du cinéma japonais contemporain Kinotayo qui a lieu en ce mois de décembre à Paris et en région.

Tamako in moratorium est la première belle surprise du festival, pourtant on doit l’avouer, on avait un a priori négatif dû au choix de l’actrice principale Atsuko Maeda, issue du groupe de J-pop Akb48. Et bien, suite à la projection, force est de constater qu’Atsuko Maeda a du talent, et qu’elle porte à merveille ce personnage de jeune femme désillusionnée, perdue, fainéante à souhait… Tamako in moratorium dresse donc le portrait de Tamako, jeune femme vivant chez son père, gérant d’une boutique d’accessoires de sport. Tamako ne fait rien de ses journées, à part manger, dormir, lire des mangas, l’ennui comme mode de vie.Son père acceptant de fait la situation, n’arrive pas à motiver sa fille pour qu’elle s’émancipe. Cette co-habitation devient alors le fruit de nombreuses situations absurdes et humoristiques, dû au caractère très tranché de la jeune femme.

Le film est découpé en 4 chapitres, suivant les différentes saisons, comme 4 courts métrages. Cependant le scénario reste très bien structuré, les séquences se répondant parfaitement, une scène du chapitre « hiver » aura sa résonnance dans une scène de la partie « automne ». Tamako in moratorium est un petit bijou cinématographique, réussissant à filmer l’ennui en gardant constamment l’intérêt du spectateur. Ici on est loin du traitement de l’ennui des films de Sofia Coppola, une vraie dramaturgie est développée autour de ce personnage inactif, enveloppé d’une humanité sincère. On se retrouve fasciné par cette Tamako récalcitrante au moindre effort. La relation avec son père s’en retrouve d’autant plus touchante, car celui-ci est dépassé, tentant pourtant au mieux de supporter sa fille. Mais vivant ensemble, presque comme un couple, les deux demeurent malheureux. Cette description originale et juste d’une relation père/fille dans un japon contemporain montre aussi l’évolution de la société, avec des parents sans autorité et désabusés, et des enfants sans objectif de vie.

Yamashita Nobuhiro filme avec justesse les situations du quotidien et ses comédiens. Atsuko Maeda n’est jamais à son avantage, elle en ressort d’autant plus attachante, et puis au détour d’une scène qui la montre voulant passer un casting d’idole japonaise, le réalisateur joue avec humour de l’image publique de la comédienne. En effet, si Atsuko Maeda n’était pas devenue une pop star, peut-être serait-elle aujourd’hui une fille proche de Tamako, sans réel but dans la vie ?

En conclusion, Tamako in moratorium représente parfaitement une partie de ce cinéma indépendant japonais, qui traite de sujet humain, intimiste, avec grâce et poésie, s’attachant à décrire des personnages atypiques, en étant éloigné du cinéma commercial. Yamashita Nobuhiro réalise ici son 10e long-métrage, et espérons que son œuvre soit mieux distribuée en occident et en France, car il est un auteur à découvrir et à suivre.

Tamako in moratorium sera à nouveau projeté le 13 décembre à L’Antarès (Vauréal) ainsi que les 18 et 19 décembre prochain à la maison de la culture du Japon à Paris en présence du réalisateur. Rendez-vous sur le site du Kinotayo pour plus d’informations.