Critique : Ring Ø – Birthday de Norio Tsuruta

L’histoire se déroule trente ans avant les sombres évènements qui frappèrent la journaliste Asakawa et sa famille, peu après qu’elle ait découvert l’existence de la cassette maudite. A cette époque, Sadako était alors une très belle jeune femme qui tentait de s’épanouir dans le théâtre. Mais, dès son arrivée, une série des phénomènes inquiétants se produisirent et elle ne tarda pas à s’attirer la méfiance puis le rejet total de sa troupe, rejet qui se mua peu à peu en psychose collective et provoqua la transformation maléfique de Sadako.

Après le cultissime Ring suivi du très médiocre Ring 2, tous deux réalisés par Hideo Nakata, la fameuse saga en devenir change de main, et c’est désormais Norio Tsuruta (Borei Gakkyu ; Kakashi ; Yogen)  qui passe aux commandes de la réalisation de ce Ring Ø : Birthday. Après la séquelle pour le moins bâclée du premier du nom, que peut-on attendre de ce dernier opus qui semble définitivement clore la saga ? Personnellement, ayant été très déçue par Ring 2, je ne m’attendais pas à grand-chose… Et pourtant, Ring Ø fait preuve d’une volonté d’innovation évidente, si bien qu’il est difficile de ne pas tomber sous le charme de la tragique destinée de Sadako Yamamura.


Le film se présente en réalité comme une préquelle relatant les origines de la métamorphose de Sadako en ce yurei vengeur que l’on connait désormais si bien. Changeant radicalement de codes, aussi bien narratifs que techniques, ce troisième volet de la série n’a absolument rien en commun avec ses prédécesseurs, si ce n’est le personnage central de Sadako ainsi que les évènements antérieurs à sa (re)naissance démoniaque. En outre, il me parait important de préciser que Ring Ø appartient davantage au genre dramatique qu’horrifique, le réalisateur ayant préféré mettre l’accent sur la personnalité duelle de Sadako, dont la lutte sans merci contre son double antithétique tend à émouvoir et susciter l’empathie, plutôt que sur les manifestations fantomatiques vectrices d’effroi pur et dur.


L’histoire de Sadako prend effectivement des allures de tragédie grecque, avec son héroïne tourmentée qui n’aspire qu’à recevoir l’amour de l’homme qu’elle aime et couler des jours heureux loin de ses démons intérieurs, mais contre qui le sort s’acharne sans répit. La fatalité est ainsi un concept inhérent à Ring Ø, car Sadako, malgré ses efforts désespérés pour anéantir le processus dissociatif qui s’opère en elle, ne peut échapper à son destin que le spectateur sait tragique dès le départ. L’actrice Yukie Nakama (Trick ; G@me ; Shinobi : Heart Under Blade) est plus que parfaite dans le rôle de Sadako ; sa sensibilité et sa beauté fragile sont en totale adéquation avec son personnage de jeune femme meurtrie au plus profond d’elle-même, persécutée et incomprise de tous. Quant aux autres personnages, ils sont hélas assez vides et sans grand intérêt, sauf peut-être la mère de Sadako, Shizuko, interprétée par l’actrice Masako, dont la présence surnaturelle impressionne plus qu’elle n’effraie vraiment.


Le film, malgré son apparente sincérité, demeure tout de même entaché par un trop-plein de sentimentalisme un brin désuet qui a pour conséquence de démythifier fortement la légende de Sadako. Cette dernière est ici représentée comme un être fondamentalement bon, pur et innocent, dont le malheur est d’avoir été victime d’une fragmentation inopinée de sa personnalité. En effet, la part d’ombre de Sadako, pour des raisons qui restent toujours aussi obscures, s’est littéralement séparée de son corps et cristallisée en entité intrinsèquement malveillante lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant (cette piste avait déjà été suggérée dans Ring 2).  De plus, dotée de pouvoirs extra-lucides, la pauvre ne cesse de se débattre entre ses visions d’outre-tombe et l’hostilité de ses pairs qui, par une intuition quasi-primitive, ressentent l’aura maléfique de son double émaner d’elle.


Contrairement aux deux premiers Ring, dont les trames narratives présentaient l’avantage d’offrir au spectateur une continuité spatio-temporelle logique non négligeable pour une saga, Ring Ø donne un peu l’impression de sortir de nulle part avec son scénario bancal ; on a même parfois l’impression que l’équipe du film n’a pas vu les deux films précédents ! Du coup, contradictions et non-sens ont vite fait de s’accumuler et de déstabiliser le spectateur qui  reçoit des informations venant se heurter de plein fouet à celles déjà fournies par Ring I et II.

Malgré ces quelques éléments regrettables, le film reste tout de même agréable à voir, tant le jeu impeccable de l’actrice principale est émouvant et notre curiosité morbide nous pousse à vouloir enfin connaitre la genèse de l’histoire de Sadako Yamamura… Ring Ø est en somme une œuvre fondamentalement pessimiste qui s’efforce de retranscrire de manière plus ou moins cohérente le combat ultime d’une jeune femme pour retrouver l’unité de son Moi originel.