Critique : Printemps tardif (1949) de Yasujiro Ozu

Un des films du Coffret Ozu en 20 films sortie en 2019

Noriko est la seule fille de la famille Somiya à ne pas être mariée. Elle vit cependant heureuse avec son père mais ce dernier pense qu’il est grand temps pour elle de penser au mariage. Noriko est réticente à l’idée de laisser son père seul mais elle finit tout de même par accepter. Après un dernier séjour à Kyoto en compagnie de sa fille, le père finit par ressentir cette solitude que sa fille avait tant redoutée.

Printemps tardif fait parti des films réédités dans le coffret ultime bluray/dvd de Carlotta sur le maître japonais « Ozu en 20 films » sorti en ce mois de novembre.
Printemps tardif bénéficie d’une restauration en 4K pour la première fois, la qualité d’image est exceptionnelle, le rendu bluffant, si vous avez eu l’occasion d’aller à la rétrospective cet été au cinéma, on a quasiment l’impression que les films ont été réalisés de nos jours… Quel superbe travail de restauration qui permet de (re)découvrir ces films dans des conditions optimales, c’est réellement du jamais vu.

La critique dévoile l’intrigue et la fin.
Printemps tardif est une excellente porte d’entrée dans l’univers d’Ozu si vous n’avez encore jamais vu ses films, il traite de son thème majeur des années 50-60, à savoir la famille, et des bouleversements de la société japonaise d’après-guerre. Tous les fondamentaux d’Ozu y sont présents, le thème, la complexité des relations intra familiales, le décalage des générations, la justesse apportée au traitement des sentiments, une mise en scène d’un grand classicisme mais d’une rare beauté, et ses comédiens fétiches, à savoir Chishu Ryu et Setsuko Hara en première ligne.

Ici dans Printemps tardif, Ozu nous dévoile les turpitudes des Somiya, famille de la classe moyenne au sortir de la guerre, dont la fille Noriko (Setsuko Hara) ne souhaite pas quitter le foyer et préfère rester auprès de son père pour s’en occuper comme une épouse dévouée, sacrifiant ainsi sa jeunesse, ce que ne veut pas son père Shukichi (Chishu Ryu).

Leur quotidien est réglé comme du papier à musique, elle s’occupant de la maison, lui préparant ses repas, son bain, etc. Malgré le confort apporté par Noriko et le dilemme du fait qu’il se retrouvera seul si elle part, Shukichi lui suggère de scène en scène de penser à elle, de prendre son envol en se mariant et d’avoir son propre foyer.
Noriko n’en a pas l’envie, étant heureuse dans cette situation, totalement dévouée à son père, celui-ci va donc devoir user de roublardise afin de la persuader de le quitter, en prétextant son propre remariage.
Un choc pour Noriko qui, assez traditionnelle, ne pense pas du bien des seconds mariages, elle se retrouve donc devant le fait accompli, une autre va prendre sa place, et elle va devoir partir et se marier. Noriko, qui jusque là était caractérisée par une douce naïveté, constamment souriante, dévoile une personnalité plus forte, atteinte dans sa fierté. Les gros plans sur le visage de Setsuko Hara suffisent à comprendre sa colère et son désespoir. Lors d’un dernier voyage ensemble à Kyoto, alors qu’ils visitent le temple Kyomizudera, le père lui exorte de donner son amour à un autre, le sort est ainsi scellé pour Noriko, et elle accepte de se marier.
Alors que Noriko semblait si libre dans ses choix, le magnifique habit traditionnel de mariée japonaise va l’enfermer dans un carcan, dans une voie qu’elle ne semblait désirer. Alors que la cérémonie est une fête heureuse, les sourires masquent le déchirement de la séparation, une fin tant pour elle que pour son père.
Ozu, par le non dit, nous fait sentir, toute la tristesse du père d’avoir poussé sa fille à le quitter, se sacrifiant ainsi, mais pour le réel bonheur d’aucun des deux au final… Sans artifice, sans excès démonstratifs, le cinéaste japonais nous donne une fin forte en émotions, laissant le spectateur dans une impression douce amer, ne sachant quoi penser, mais étant assurément triste pour les deux protagonistes principaux.
En conclusion, Printemps tardif, est une œuvre dont son histoire et son traitement semblent aux premiers abords d’une grande simplicité, mais dont les sentiments révélés sont eux très complexes et universels. Avec cette chronique autour de l’amour paternel, Ozu signe là un de ses nombreux chefs d’oeuvre sur la famille japonaise, à découvrir absolument, et dans sa plus belle version à ce jour dans le coffret « Ozu en 20 films ».