Critique « Onoda : 10 000 nuits dans la jungle » d’Arthur Harari

En ouverture de la sélection "Un certain regard" du Festival de Cannes

Réalisateur
Arthur Harari
Date de sortie
21 juillet 2021
Durée
2h47
Notre score
4

Pour cette édition 2021, la sélection Un certain regard du festival de Cannes s’est payée une belle ouverture avec Onoda : 10 000 nuits dans la jungle, le second long-métrage du jeune français Arthur Harari. Après son Diamant Noir, le réalisateur s’est envolé pour le Cambodge afin d’y tourner ce film très ambitieux, racontant l’histoire réelle du soldat japonais Onoda, parti en mission aux Philippines et n’étant pas informé de la fin de la guerre. On suit donc son épopée durant 30 ans de survie dans la jungle…

Pour ce faire, Harari s’est donné les moyens de ses ambitions, et signe ainsi une superbe fresque de guerre – sans vraiment montrer la guerre (à l’instar de certains très grands films du genre tel que Voyage au bout de l’enfer pour ne citer que lui) – et vient un peu plus à chaque séquence nous scotcher par l’ampleur de sa production, détonant dans le paysage français

Le coeur d’Onoda s’attarde donc plus sur la psychologie des personnages que sur le conflit de base, permettant ainsi au récit de transcender l’aspect militaire et politique pour aborder la solitude d’hommes face à la nature, leur obstination et besoin de servir leur pays, et surtout de marquer l’histoire.

Pendant 2h40 donc, nous nous retrouvons en véritable immersion avec ces personnages faisant corps avec leur environnement. La longueur du film sert totalement son propos, nous faisant ainsi ressentir la lassitude des personnages et la monotonie de leur quotidien, tout en le ponctuant d’évènements plus exceptionnels faisant garder au récit un rythme assez soutenu pour ne pas perdre son spectateur. Le temps passe, mais Onoda ne faillit pas à sa mission, envers et contre tout…

Cette île des Philippines, les soldats finissent par la connaître par coeur, et nous avons nous aussi le sentiment d’un espace à la fois familiers et rempli de danger. La menace peut venir de partout, de ceux auxquels on ne s’attend pas, et la paranoïa des soldats persuadés d’affronter un ennemi face à n’importe quel simple paysan offre de réels moments de tension. La caméra d’Harari renforce aussi cette plongée au coeur de la jungle, se balladant à hauteur d’homme non seulement au cours de déplacements stratégiques, mais aussi en suivant des gestes du quotidien (réparer son pantalon, préparer à manger, tresser des chaussures…). Les ellipses sont habilement glissées pour alterner ces différentes tranches de vie, donnant ainsi une oeuvre contemplative, mais qui nous laisse toujours sur nos gardes. Il nous vient parfois l’envie de violenter les personnages, de leur crier d’accepter la réalité et d’arrêter cette quête absurde, mais la noblesse avec laquelle ils font face à chaque nouvelle barrière laisse finalement le spectateur silencieux, sans envie de savoir si la bêtise des soldats passe pour du courage ou bien l’inverse.

Harari est également très bien entouré dans son équipe, entre les acteurs tous très justes, son frère Tom à la direction de la photographie rendant une image très soignée, ou encore son compositeur offrant une bande originale discrète et efficace.

Les retours sont donc globalement assez unanimes sur la qualité du film, allant jusqu’à souvent se demander si sa place n’était pas en compétition. Cela laisse en tout cas présager un joli démarrage pour Onoda, qui finira en effet par marquer l’histoire, peut-être pas de la manière qu’il attendait…

De son côté Arthur Harari laisse des premières traces très prometteuses dans l’histoire du cinéma.

Onoda : 10 000 nuits dans la jungle
4