Il y a quelques semaines Bong Joon-ho taquinait gentiment tour à tour le public américain et les Oscars. Il disait pour commencer qu’il ne faut pas avoir peur de passer outre l’obstacle des sous-titres pour découvrir de grands films étrangers face à un public peu habitué, avant d’enchaîner quelques temps plus tard en désignant les Oscars comme une cérémonie très « locale » et pas internationale contrairement à ses prétentions. Pas de rancune de leur part : l’Academy offre un triomphe à Parasite et Bong Joon-ho avec quatre récompenses parmi les plus convoitées.
C’est dans le début de la nuit de dimanche à lundi 10 février, heure française, que le casting de Parasite foulait le tapis rouge du Dolby Theatre à Los Angeles. Il y avait quelque chose dans l’air, comme une attente particulière, mais il était bien difficile de s’attendre à un tel triomphe. Habituellement porté vers des films à la production anglophone, les Oscars semblaient plutôt partis pour récompenser 1917 de Sam Mendes, qui avait été sacré quelques semaines plus tôt aux Golden Globes. Mais voilà, quelque chose de spécial est passé par là : l’enthousiasme de Bong Joon-ho. Il s’est prêté au petit jeu du lobbying à Los Angeles en participant aux nombreuses émissions et soirées prêtes à lui dérouler le tapis rouge, dans le secret espoir de créer la surprise lors de la cérémonie. Si les cinéphiles peuvent toujours s’interroger sur la pertinence des Oscars à une époque où les productions s’enchaînent à un rythme effréné, profitant de réseaux de distribution très divers, force est d’avouer que l’aura de la cérémonie offre un goût tout particulier à ses lauréats qui se retrouvent le temps d’un soir tout en haut d’une belle année de cinéma. Et la concurrence était rude : outre 1917, on trouvait Joker et son immense succès populaire, Marriage Story et The Irishman poussés par Netflix, ou encore Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino qui fait office de « valeur sûre » pour le public ou encore Little Women de Greta Gerwig qui fait de plus en plus parler d’elle.
La victoire de Parasite est doublement inédite : c’est la première fois qu’un réalisateur coréen remporte l’Oscar du meilleur réalisateur, mais c’est aussi et surtout une première de voir un film non-anglophone remporter la statuette du meilleur film (en 2012, The Artist était muet). A côté, Parasite a également remporté les catégories meilleur scénario original et meilleur film international. C’est également seulement la troisième fois dans l’histoire du Festival de Cannes que sa Palme d’or est suivi d’un Oscar : avant Parasite, seuls Marty de Delbert Mann (1955) et Le Poison de Billy Wilder (1946) en avaient été capables. Un beau tour de force pour le Festival de Cannes qui, parfois accusé d’être en décalage avec des cérémonies plus grand public, montre qu’il peut aussi initier de belles histoires populaires.
Palmarès complet
Meilleur film
- Parasite – Kwak Sin-ae et Bong Joon-ho
- Le Mans 66 (Ford v. Ferrari) – Peter Chernin, Jenno Topping et James Mangold
- The Irishman – Martin Scorsese, Robert De Niro, Jane Rosenthal et Emma Tillinger Koskoff
- Jojo Rabbit – Carthew Neal et Taika Waititi
- Joker – Todd Phillips, Bradley Cooper et Emma Tillinger Koskoff
- Les Filles du docteur March (Little Women) – Amy Pascal
- Marriage Story – Noah Baumbach et David Heyman
- 1917 – Sam Mendes, Pippa Harris, Jayne-Ann Tenggren et Callum McDougall
- Once Upon a Time… in Hollywood – David Heyman, Shannon McIntosh et Quentin Tarantino
Meilleur réalisateur
- Bong Joon-ho – Parasite
Sam Mendes – 1917 - Todd Phillips – Joker
- Martin Scorsese – The Irishman
- Quentin Tarantino – Once Upon a Time… in Hollywood
Meilleur acteur
- Joaquin Phoenix – Joker
- Antonio Banderas – Douleur et Gloire (Dolor y gloria)
- Leonardo DiCaprio – Once Upon a Time… in Hollywood
- Adam Driver – Marriage Story
- Jonathan Pryce – Les Deux Papes (The Two Popes)
Meilleur actrice
- Renée Zellweger – Judy
- Cynthia Erivo – Harriet
- Scarlett Johansson – Marriage Story
- Saoirse Ronan – Les Filles du docteur March (Little Women)
- Charlize Theron – Scandale (Bombshell)
Meilleur acteur dans un second rôle
- Brad Pitt – Once Upon a Time… in Hollywood
- Tom Hanks – Un ami extraordinaire (A Beautiful Day in the Neighborhood)
- Anthony Hopkins – Les Deux Papes (The Two Popes)
- Al Pacino – The Irishman
- Joe Pesci – The Irishman
Meilleure actrice dans un second rôle
- Laura Dern – Marriage Story
- Kathy Bates – Le Cas Richard Jewell (Richard Jewell)
- Scarlett Johansson – Jojo Rabbit
- Florence Pugh – Les Filles du docteur March (Little Women)
- Margot Robbie – Scandale (Bombshell)
Meilleur scénario original
- Bong Joon-ho et Han Jin Won – Parasite
- Rian Johnson – À couteaux tirés (Knives Out)
- Noah Baumbach – Marriage Story
- Sam Mendes et Krysty Wilson-Cairns – 1917
- Quentin Tarantino – Once Upon a Time… in Hollywood
Meilleur scénario adapté
- Jojo Rabbit – Taika Waititi adapté du livre Le ciel en cage de Christine Leunens
- The Irishman – Steven Zaillian adapté du livre I Heard You Paint Houses de Charles Brandt
- Joker – Todd Phillips et Scott Silver d’après le personnage du Joker créé par Bill Finger, Bob Kane et Jerry Robinson
- Les Filles du docteur March (Little Women) – Greta Gerwig d’après les romans de Louisa May Alcott intitulés : Les Quatre Filles du docteur March et Le Docteur March marie ses filles
- Les Deux Papes (the Two Popes) – Anthony McCarten d’après la pièce de théâtre The Pope
Meilleurs décors et direction artistique
- Once Upon a Time in Hollywood – Barbara Ling et Nancy Haigh
- The Irishman – Bob Shaw et Regina Graves
- Jojo Rabbit – Ra Vincent et Nora Sopková
- 1917 – Dennis Gassner et Lee Sandales
- Parasite – Lee Ha-joon et Cho Won-woo
Meilleurs costumes
- Les Filles du docteur March (Little Women) – Jacqueline Durran
- The Irishman – Sandy Powell et Christopher Peterson
- Jojo Rabbit – Mayes C. Rubeo
- Joker – Mark Bridges
- Once Upon a Time… in Hollywood – Arianne Phillips
Meilleurs maquillages et coiffures
- Scandale (Bombshell) – Kazuhiro Tsuji / Kazu Hiro, Anne Morgan et Vivian Baker
- Joker – Nicki Ledermann et Kay Georgiou
- Judy – Jeremy Woodhead
- Maléfique : Le Pouvoir du mal – Paul Gooch, Arjen Tuiten et David White
- 1917 – Naomi Donne, Tristan Versluis et Rebecca Cole
Meilleure photographie
- 1917 – Roger Deakins
- The Irishman – Rodrigo Prieto
- Joker – Lawrence Sher
- The Lighthouse – Jarin Blaschke
- 1917 – Roger Deakins
- Once Upon a Time… in Hollywood – Robert Richardson
Meilleur montage
- Le Mans 66 (Ford v Ferrari) – Michael McCusker et Andrew Buckland
- The Irishman – Thelma Schoonmaker
- Jojo Rabbit – Tom Eagles
- Joker – Jeff Groth
- Parasite – Yang Jin-mo
Meilleur montage de son
- Le Mans 66 (Ford v Ferrari) – Donald Sylvester
- Joker – Alan Robert Murray
- 1917 – Oliver Tarney et Rachael Tate
- Once Upon a Time… in Hollywood – Wylie Stateman
- Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker – Matthew Wood et David Acord
Meilleur mixage de son
- 1917 – Mark Taylor et Stuart Wilson
- Ad Astra – Gary Rydstrom, Tom Johnson et Mark Ulano
- Le Mans 66 (Ford v Ferrari) – Paul Massey, David Giammarco et Steve A. Morrow
- Joker – Tom Ozanich, Dean A. Zupancic et Tod A. Maitland
- Once Upon a Time… in Hollywood – Michael Minkler, Christian P. Minkler et Mark Ulano
Meilleurs effets visuels
- 1917 – Guillaume Rocheron, Greg Butler et Dominic Tuohy
- Avengers : Endgame – Dan DeLeeuw, Russell Earl, Matt Aitken et Dan Sudick
- The Irishman – Pablo Helman, Leandro Estebecorena, Nelson Sepulveda-Fauser et Stephane Grabli
- Le Roi Lion – Robert Legato, Adam Valdez, Andrew R. Jones et Elliot Newman
- Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker – Roger Guyett, Neal Scanlan, Patrick Tubach et Dominic Tuohy
Meilleure chanson originale
- (I’m Gonna) Love Me Again dans Rocketman – Paroles et musique : Bernie Taupin et interpreté par Elton John et Taron Egerton
- I Can’t Let You Throw Yourself Away dans Toy Story 4 – Paroles et musique : Randy Newman
- I’m Standing With You dans Breakthrough – Paroles et musique : Diane Warren
- Dans un autre monde dans La Reine des Neiges 2 (Frozen 2) – Paroles et musique : Kristen Anderson-Lopez et Robert Lopez
- Stand up pour Harriet – Paroles et musique : Joshuah Brian Campbell et Cynthia Erivo
Meilleure musique de film
- Joker – Hildur Guðnadóttir
- Les Filles du docteur March (Little Women) – Alexandre Desplat
- Marriage Story – Randy Newman
- 1917 – Thomas Newman
- Star Wars, épisode IX : L’Ascension de Skywalker – John Williams
Meilleur film international
- Parasite de Bong Joon-ho – Corée du Sud
- La Communion (Boże Ciało) de Jan Komasa – Pologne
- Honeyland de Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov – Macédoine du Nord
- Les Misérables de Ladj Ly – France
- Douleur et Gloire (Dolor y gloria) de Pedro Almodóvar – Espagne
Meilleur film d’animation
- Toy Story 4 – Josh Cooley, Mark Nielsen et Jonas Rivera
- Dragons 3 : Le Monde caché (How to Train Your Dragon: The Hidden World) – Dean DeBlois, Bradford Lewis et Bonnie Arnold
- J’ai perdu mon corps – Jérémy Clapin et Marc du Pontavice
- Klaus – Sergio Pablos, Jinko Gotoh et Marisa Román
- Monsieur Link (Missing Link) – Chris Butler, Arianne Sutner et Travis Knight
Meilleur film documentaire
- American Factory – par Steven Bognar, Julia Reichert et Jeff Reichert
- The Cave – par Feras Fayyad, Kirstine Barfod et Sigrid Dyekjaer
- The Edge of Democracy – par Petra Costa, Joanna Natasegara, Shane Boris et Tiago Pavan
- Pour Sama – Waad Al-Kateab et Edward Watts
- Honeyland – par Ljubo Stefanov, Tamara Kotevska et Atanas Georgiev
Meilleur court métrage de fiction
- The Neighbors’ Window – Marshall Curry
- Brotherwood – Meryam Joobeur et Maria Gracia Turgeon
- Nefta Football Club – Yves Piat et Damien Megherbi
- Saria – Bryan Buckley et Matt Lefebvre
- A Sister (Une soeur) – Delphine Girard
Meilleur court métrage d’animation
- Hair Love – Matthew A. Cherry et Karen Rupert Toliver
- Dcera (Daughter) – Daria Kashcheeva
- Kitbull – Rosana Sullivan et Kathryn Hendrickson
- Mémorable – Bruno Collet et Jean-François Le Corre
- Sister – Siqi Song
Meilleur court métrage documentaire
- Learning to Skateboard in a Warzone (If You’re a Girl) – Carol Dysinger et Elena Andreicheva
- In the Absence – Yi Seung-Jun et Gary Byung-Seok Kam
- Learning to Skateboard in a Warzone (If You’re a Girl) – Carol Dysinger et Elena Andreicheva
- Des vies en suspens (Life Overtakes Me) – John Haptas et Kristine Samuelson
- St. Louis Superman – Smriti Mundhra et Sami Khan
- Walk Run Cha-Cha – Laura Nix et Colette Sandstedt
Félicitations à tous les vainqueurs et aux équipes qui ont porté Parasite, notamment son distributeur français The Jokers qui fait un travail formidable depuis les premiers pas du film à Cannes en mai dernier.