Critique : A Cappella de Lee Su-Jin

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3

L’histoire : Han Gong-ju, une jeune lycéenne, est contrainte de changer d’établissement scolaire et d’emménager, pour un temps, chez la mère d’un de ses professeurs, tandis qu’une enquête policière suit son cours dans son quartier d’origine. N’ayant en apparence rien à se reprocher, Gong-ju pourra-t-elle échapper à son passé.

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Présenté au Festival du film Coréen de Paris, après avoir remporté 3 prix au dernier festival de Deauville Asia, et distribué par Dissidenz, A Cappella de Lee Su-Jin est une première œuvre prometteuse sans toutefois réussir à se démarquer de la production actuelle du cinéma d’auteur coréen qui aime à traiter des violences entre adolescents, du harcèlement, ainsi que de son système éducatif très contraignant.

A cappella suit la vie tourmentée de Han Gong-ju, une adolescente renfermée, qui cache un ‘lourd’ secret. Transférée dans un nouveau lycée et hébergée chez une inconnue, Gong-ju ne se laisse pas facilement appréhender, une colère et une tension sommeille en elle tout au long de ce début de film. L’entame s’en trouve assez mystérieuse et réussie, le spectateur sait qu’il s’est passé quelque chose de grave mais n’en connaît pas la teneur.

Petit à petit Gon-ju s’ouvre à ses nouvelles camarades, par le biais de la musique, (d’où le titre français A cappella), elle se découvre une passion pour le chant et la composition. Ses camarades, s’en rien connaître de son passé, deviennent admiratives, et tentent de la supporter dans son envie de rêve artistique.

Même si le thème de la musique comme catharsis est pour le moins déjà vu, ces séquences de renaissance de la jeune fille sont tout à fait réussies, essentiellement grâce à la comédienne principale Chun Woo-Hee qui porte le film de bout en bout. À la fois intrigante, dure, touchante, Chun Woo-Hee rend réel son personnage dans ses moindres états d’âmes.

Le rôle de Gong-ju nécessitant une grande maturité, car le traumatisme du personnage se révèlera particulièrement horrible, Chun Woo-Hee possède cette maturité, rendant Gong-ju vivante.

Le point négatif du film se trouve dans la révélation du traumatisme. Même si pas mal d’indices laissent indiquer que Gong-ju a été témoin de violences ou a subit des violences de la part d’un groupe de jeunes hommes, on est surpris par la façon dont le réalisateur choisira de nous mettre en scène, et nous montrer ce traumatisme. Crûment, et longuement, s’attardant sur la souffrance des victimes, le metteur en scène coréen semble alors piéger le spectateur, le mettant dans une situation de voyeur, rendant le tout très dérangeant.

C’est d’autant plus paradoxal, car le film possède une sensibilité semblant toujours juste, un savoir faire dans la suggestion, dans le montage, sachant donner du sens par la juxtaposition de scènes. Mais la révélation du traumatisme semble elle divaguer dans le choquant, dans le but de créer un malaise quasi insoutenable, du fait du traitement réaliste de ces scènes.

Le metteur en scène Lee Su-Jin souhaite montrer qu’il est possible de se relever suite à un accident de la vie, de renaître… Il y parviendrait presque, seulement le choc reçu semble plus fort que son message, et l’on sort groggy de son film, avec l’impression d’avoir dû supporter l’insoutenable.

A Cappella est avant tout une description emplie de justesse d’une adolescente meurtrie qui souhaite retrouvée une vie normale. Des passages sont particulièrement beaux et poétiques, comme les scènes avec l’amie ‘fantomatique’ de Gong-Ju… mais semble amoindris après les scènes traumatisantes.

En conclusion, A Cappella, représente plutôt bien les obsessions du cinéma d’auteur coréen contemporain, l’adolescence en Corée semble être un véritable chemin de croix, au vu de la pléthore de films qui traitent de ce sujet. Malgré le sentiment de déjà vu, A Cappella démontre aussi une certaine vivacité de ce cinéma avec ses partis pris tranchés. Donc malgré la dureté de certaines scènes justifiées ou pas selon chacun, le film de Lee Su-Jin, méritera d’être vu, rien que pour la magnifique prestation de Chun Woo-Hee.