Critique : Police Contre Syndicat Du Crime de Kinji Fukasaku

En 1975, aux commandes de son armée de brigands, Kinji Fukasaku garde un doigt sur le téton d’une péripatéticienne nommée Excès et ouvre en grand les portes d’un vestibule de l’enfer, parfumé au foutre et au saké de contrebande.

Noyé dans des effluves de défaite, entre machinations et décapitations, Kinji Fukasaku dresse le portrait de yakusas-condés aux slips sales prêts à défourailler à la moindre contrariété. Sur un scénario phénoménal de Kasuo Kasahara, Fukasaku s’enlise dans un environnement pollué jusqu’au trognon et filme un Japon réduit à l’état de loques, portant à bout de bras de pathétiques renégats se différenciant suivant la couleur du badge, fieffés tringleurs, magouilleurs adeptes du maniement de sabre à lame rouillée.

Amorçant sa tragi-comédie par des plans faits divers narrant trahisons et scissions au sein des clans Kawadé et Ohara, Fukasaku passe la morale humaine à la gégène et met en valeur une splendide brochette de fils de putes, à faire pâlir le grand Fernando Di Leo.

Le style fukasakien traumatise la rétine, les angles de caméra furieux et frénétiques renforcés par les spotlights des dancings (photographie signée Shigeru Akatsuka !) favorisent une immersion complète dans un long flot d’actions brutales et sanguinaires.

Sous des torrents blasphématoires (l’assassinat sur fond de chanson enfantine proche du lynchage ‘disco-romantique’ de la grande Florinda Bolkan de La Longue Nuit de l’Exorcisme (1972) de Lucio Fulci), où criminalité et forces de l’ordre dansent sur les mêmes mélopées, Fukasaku paraphrase Jean Pierre Melville, l’esthète du film noir “les hommes naissent innocents mais ça ne dure guère”; plus de distinction entre le flic et le yakusa, tous suivent les mêmes codes, partagent les mêmes collégiennes et la même névrose, tout est contaminé par le stupre et l’or noir (la très convoitée société Nikko Oil).

Kinji Fukasaku voltige d’une frontière l’autre, entre bonne conscience d’une nation humiliée par sa dernière branlée et expression spontanée des fils du peuple. A l’aise entre ces antipodes, il arrose ses congénères d’un extrait de bile filmique. Avec un casting en acier trempé, Bunta Sagawara, inspecteur libidineux né Kuno, buveur de saké de contrebande, adepte des méthodes d’interrogatoire ‘nu comme un ver’, se liera d’amitié jusqu’au sacrifice avec le flamboyant Hirotani, interprété par Hiroki Matsukata, autre habitué des forfaitures de Fukasaku.

Nihiliste jusqu’au bout du cigare, Kinji Fukasaku fait fi de la respectabilité d’anciens yakusas reconvertis en politicards véreux fixant la majorité sexuelle de leurs électeurs à dix ans et demi. Eldorado des macs et autres traînées pré-pubères, le Japon n’est plus qu’un no man’s land hideux et colérique, où l’on s’arrache les derniers lopins de terre pour y faire pousser du vice. Fukasaku vomit les tièdes.

Note des internautes :