Critique : Le vent se lève d’Hayao Miyazaki

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4.5

Le maître japonais revient dans les salles obscures pour la dernière fois, ayant annoncé à la sortie de Le vent se lève, qu’il prendrait sa retraite de réalisateur de long-métrage. Quelle triste nouvelle pour plusieurs générations d’admirateurs, car même si Miyazaki est connu chez nous depuis seulement une quinzaine d’années, son œuvre atypique ravit aussi bien les enfants que les adultes. Miyazaki, une autre façon de penser le dessin animé, loin de ce que nous proposaient les productions occidentales, et Disney en particulier dans les années 80-90.

Les films de Miyazaki sont poétiques, allégoriques, porté sur la relation de l’homme à la nature et ses esprits, plaident une forme de pacifisme, et techniquement sont des œuvres picturales remarquables.

Son dernier film Le vent se lève ne déroge pas à la règle, pourtant c’est le premier long-métrage du maître japonais qui conte des faits réels. En effet Le vent se lève s’inspire de deux personnages ayant existés et vécus à la même période : Tatsuo Hori, écrivain, et Jiro Horikoshi, l’inventeur de l’avion Zéro. Nous suivons donc le personnage nommé Jiro qui mixe des éléments de la vie de ces deux hommes, pour autant le scénario est fictionnel. Jiro, enfant, a une passion : les avions et rêve de voler, mais ses problèmes de vue l’éloigneront d’une carrière de pilote, il deviendra alors concepteur d’avion, voulant créer le meilleur avion possible, en l’occurrence un avion de guerre qui deviendra le chasseur Zéro.

Nous assistons à travers Jiro aux différentes crises qu’éprouve le japon des années 20-30, parmi elles, le tremblement de terre du Kanto qui réduit en cendre Tokyo en 1923, la grande dépression, la famine, l’épidémie de tuberculose, et la guerre…

Jiro traverse ses crises en se jetant à corps perdu dans sa passion : dessiner des avions mais attention, en aucun cas il s’agirait de nationalisme. On comprend vite que c’est la quête d’un absolu qui motive le jeune homme, dans le cas présent : le progrès technique, en créant un avion aérodynamique. Jamais Jiro n’est motivé par un esprit de guerre, et se révèle plutôt critique envers son pays, disant à plusieurs reprises que « le Japon va exploser, et va droit dans le mur ».

Miyazaki réussit à nous raconter l’histoire d’un concepteur d’avion de guerre, en arrivant à mettre en avant le pacifisme, c’est une nouvelle fois la démonstration du talent de ce grand conteur qui sait allier des histoires matures et toucher toutes les générations.

Le scénario signé Miyazaki entrelace trois voies de développement : d’abord l’univers de l’ingénierie aéronautique à travers le métier de Jiro et sa quête, ensuite une histoire d’amour, et enfin des séquences oniriques.

L’histoire d’amour entre Jiro et Nahoko, une jeune femme atteinte de tuberculose apporte une dimension romantique et tragique dans Le vent se lève qui en fait une ode à la vie et à l’amour. Des séquences très simples mais toujours justes montrent les sentiments naissant entre les deux personnages, avec des passages particulièrement émouvants.

La dernière réussite du film consiste à développer des séquences oniriques au travers d’un personnage haut en couleur, Giovanni Caproni, concepteur d’avions italien qui a réellement existé. Caproni apparaît dans les rêves de Jiro, le faisant monter à bord de ses inventions les plus merveilleuses.

Concernant la mise en scène, plusieurs séquences retiennent l’attention hormis les séquences oniriques, on peut citer en exemple celle du tremblement de terre qui est d’une force graphique saisissante. Miyazaki personnifie le réveil de la terre, pour en faire un monstre dévastateur des constructions humaines. Les plans de Tokyo enflammée nous font prendre toute la mesure et l’intensité de ce drame.

A noter que c’est Hideaki Anno, un autre grand réalisateur (Evangelion) qui officie comme…voix originale de Jiro. Le choix de Hideaki Anno surprendra peut-être certains, par sa voix très mature en opposition avec le caractère-design juvénile de Jiro, même si celui-ci apparaît dans sa trentaine d’années la majorité du film.

Joe Hisaishi signe la musique du film, comme souvent avec le compositeur les premières notes resteront dans la mémoire. Les thèmes sont mélodieux, insufflant une belle énergie au long-métrage.

Le vent se lève tire son titre d’un poème de Paul Valéry intitulé Le cimetière marin dans lequel apparaît le vers « le vent se lève, il faut tenter de vivre ». Dans le long-métrage de Miyazaki, Jiro et Nahoko auront leur première conversation autour de ce poème, en le citant en français dans le texte. Ce vers résume bien le film du maître japonais, malgré la situation terrible (économique, sociale, sanitaire) que connaissait le Japon de l’époque, il fallait essayer d’avancer et de vivre, vivre un amour pleinement même si celui-ci est condamné d’avance, vivre son rêve malgré les difficultés, vivre encore et toujours et malgré tout. Une parabole qui résonne dans un Japon contemporain qui vit actuellement sa pire crise depuis la seconde guerre mondiale, avec le tremblement de terre de mars 2011.

Hayao Miyazaki nous laisse un dernier film comme une ode à la vie, au moment où lui décide de prendre sa ‘retraite’ bien méritée, sûrement pour mieux profiter de la sienne. Pour nous consoler, nous avons la quinzaine de films qu’il a réalisés à voir et à revoir. Aussi, ne manquez pas en salle Le vent se lève, pour un dernier rendez-vous avec un cinéaste et conteur majeur de notre époque.

[dropcap size=small]S[/dropcap]ynopsis :

Inspiré par le concepteur italien d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner les plus beaux avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, il se fait alors engager comme ingénieur d’une importante entreprise en 1927. Il rencontre Nahoko, atteinte de la tuberculose. Il va se battre pour réaliser son rêve de construire le meilleur avion possible tout en tombant amoureux de la jeune femme…