Critique : Second Life de Park Young-ju

Peut-on tout recommencer ?

Le premier long-métrage de la jeune réalisatrice Park Young-ju a été diffusé à l’occasion du Festival du Film Coréen à Paris 2019. J’ai pu assister à la première des deux séances possibles et j’en suis sortie investie d’un grand calme.

Nous sommes plongés dans l’abîme solitaire et tortueuse d’une adolescente qui ne reçoit pas d’attention de ses parents, trop occupés par eux-mêmes et qui n’arrive pas à s’intégrer convenablement dans son école. Dans un élan de vengeance, elle déclenche malgré elle quelque chose qui la dépasse et la choque profondément. Elle décide alors de fuir et de refaire sa vie en faisant table rase de sa précédente histoire pour en créer une nouvelle.

Je vais spoiler sans vergogne pour cette critique alors si vous n’avez pas vu le film et que vous ne souhaitez pas savoir ce qu’il s’y passe, je vous invite à le regarder avant de lire ce qui suit.

Avez-vous déjà rêvé de tout changer ? Avez-vous déjà eu l’impression que peu importe ce que vous faites, votre vie ne s’améliore pas, les gens autour de vous vous tirent vers le bas. À ce moment là, vous pouvez faire un choix, changer, tout recommencer ou essayer de construire quelque chose de mieux à partir des débris de cette vie là. Sun-hee, l’héroïne, à choisit de recommencer une vie et de ne plus s’encombrer de ces débris.

Elle part dans une nouvelle ville, trouve une nouvelle famille au sein d’un orphelinat, est acceptée dans une école où elle se fait des amies. Elle prend confiance en elle et a enfin la vie qu’elle mérite et dont elle a besoin, elle est aimée, appréciée, respectée par son nouvel entourage.

Le problème, c’est que tout repose sur un mensonge, elle a changé d’identité et a menti à tous sur son passé. En faisant ça, en n’assumant pas qui elle est, elle ne se fait pas aimer elle dans sa globalité mais qui elle a décidé d’être, ce détail fait que si elle se fait rattraper par son passé, son nouvel entourage devra la pardonner deux fois, pour deux mensonges.

On sent Sun-hee profondément reconnaissante pour ce qu’elle vit, elle est vraiment heureuse et elle se rend le plus utile possible auprès de ses nouveaux proches. On pense même que ses défauts qui ont en partie coûté son départ disparaissent noyés sous l’amour qu’elle reçoit. Seulement, le film nous montre aussi tout du long que ses progrès sont des pas de bébés pour certaines choses et qu’elle n’évolue pas sur ce qui compte.

Comme on s’y attend dès le début de son aventure, elle se fait rattraper par sa vie d’avant et elle s’y retrouve confrontée. C’est là que le film m’a profondément déçu. Sun-hee avait enfin une belle vie et au lieu de se battre pour elle, elle décide de recommencer son manège de mensonge en fuyant et en trouvant à nouveau, une identité qui n’est pas la sienne.

Je ne sais pas si c’est la peur d’être arrachée à une vie heureuse qui la fait prendre cette mauvaise décision ou la peur de ne pas être pardonnée pour ses actes par ceux qui tiennent à elle mais la voir s’en aller le coeur lourd pour poursuivre une boucle dysfonctionnelle fend le coeur.

L’envie de voir l’héroïne embrasser sa nouvelle vie tient en haleine tout le long pour laisser le spectateur sur sa faim et le mettre dans un sentiment de frustration et de calme étrange, un calme de déception.

Sun-hee a été une déception pour son premier entourage, une bénédiction pour le second puis une frustration pour le spectateur. Il s’agit d’un drame et une fin triste est de mise alors peut-être que ce qui m’a tant déplu est en fait terriblement réussi.

Le film fait beaucoup réfléchir à l’agencement des choses dans notre vie mais aussi à l’évolution personnelle que l’on a. On peut avoir un très mauvais environnement, le quitter et tout recommencer mais sans se changer soit même, sans être sincère et honnête sur qui l’on est, je ne sais pas si l’on peut trouver ceux qui seront prêt à nous accepter pleinement. Ce qui est sûr, c’est que chacun mérite d’être aimé et heureux pour qui il est véritablement et que les personnes capable de ça existent quelque part.

Il est très difficile de reconnaître qu’une partie du problème peut venir de la personne et non de l’entourage, les deux cumulés deviennent alors étouffant et extrêmement dur à vivre et sont intrinsèquement liés. Peut-être faut-il se trouver soi-même puis donner une chance à la personne qui sera là pour nous montrer que nos défauts peuvent vraiment se dissoudre par la force d’une affection véritable et sincère. Peut-être faut-il aussi ne pas avoir peur de briser les liens toxiques de nos vies pour nous permettre cette évolution qui nous amènera à recevoir ce que l’on mérite, une famille, des amis, des personnes qui nous apprécient tel que l’on est.

Toute cette tristesse que m’évoque ce film vient de là, du fait qu’elle n’a pas eu de chance sur son premier agencement, que ça l’a fait avoir des défauts difficiles comme le mensonge malgré qu’elle semble avoir un très bon fond dès le départ, puis qu’elle reçoit ce qu’elle mérite et qu’elle ne se bat pas pour, qu’elle le quitte. Que ce soit par peur de retourner dans sa vie pleine de calvaire ou de ne pas être pardonnée par sa famille de coeur, sa vraie famille, ça m’a rendue vraiment triste. C’est peut-être un manque de compassion car cela demande beaucoup de force de vivre encore dans ses conditions précédentes mais quelque chose me dit que pour ce qu’elle pouvait gagner à côté, avec toute sa nouveauté, ça pouvait valoir le coup, au moins, d’essayer.

Je vous invite dans tous les cas à partager votre ressenti sur le film dans les commentaires ou a le voir si vous ne l’avez pas vu pour vous forger votre propre avis.