Dans une année marquée par la diversité, l’innovation et une présence croissante de personnalités, le festival du film coréen de Londres avait choisi en 2013 de programmer une comédie à l’humour plutôt sombre et ambigu en clôture. Un choix osé, une fois de plus, qui a suscité une masterclass des plus intéressantes en présence de nombreuses tètes d’affiche : le réalisateur Song Hae-sung (Failan, A Better Tomorrow), l’actrice Yoon Yeo-jeong (L’Ivresse de l’Argent) et l’acteur Yoon Je-moon (oui, encore lui !). Et encore une fois, Tony Rayns donnait la réplique.
Tony Rayns (au réalisateur) : Ce film est il basé sur votre propre expérience ? Avez-vous également un frère délinquant et une sœur « mangeuse d’hommes » ? (rires)
Song Hae-sung : J’ai eu beaucoup d’échecs moi-même dans mes débuts en tant que réalisateur, effectivement un peu comme le personnage principal. Park Hae-il m’a d’ailleurs beaucoup soutenu, et cela m’a donné la motivation de faire du mieux que je peux, une fois de plus pour ce film. Par ailleurs, nous sommes huit enfants dans la famille, et j’étais le seul garçon ! Cette famille semble effectivement complètement folle et pourtant pleinement inspirée de mon expérience. Le fait de revenir à la maison manger la « cuisine de maman » avec ce sentiment d’échec est également très authentique.
Tony Rayns (aux acteurs) : Comment avez-vous été amenés à prendre part au projet ?
Yoon Je-moon : Je bois de temps en temps avec le réalisateur Song Hae-sung et l’acteur Park Hae-il. Au début, nous n’en parlions pas. Puis un jour il a amené le scenario. Je l’ai lu, puis le livre. J’ai été convaincu et j’ai décidé de prendre part au film. C’était une famille très particulière et j’aime beaucoup le travail du réalisateur, donc j’étais très intéressé par le projet.
Yoon Yeo-jong : Dans mon cas, c’est le réalisateur qui m’a approché. Comme je joue d’habitude des rôles de mères cruelles et mauvaises, je me suis posée la question du pourquoi prendre un tel rôle. La différence m’a séduite. Les autres réalisateurs m’avaient demandé des scènes difficiles… il me fallait un peu de changement…
Tony Rayns : Il y en a même un qui vous a demandé de faire une scène de sexe avec un jeune homme (rires) ! (référence à L’Ivresse de l’Argent)
La parole a donc ensuite été donnée au public, nombreux…
Question 1 (au réalisateur): Le titre coréen se traduit littéralement par « elderly family » (famille de vieux). Je m’attendais donc à voir des personnes âgées comme personnages principaux. A la place vous avez choisi le titre anglais de Boomerang Family… pouvez-vous expliquer vos décisions de mise en scène et choix de titre ?
Song Hae-sung : En fait, le roman sur lequel est basé le film met en scène des acteurs bien plus âgés (par exemple, le personnage joué par Yoon Je-moon aurait 53 ans, son frère 47 ans !). Il était difficile de trouver des acteurs de cet âge qui pourraient plaire à une audience suffisamment large. Nous avons donc choisi des acteurs plus jeunes et adapté les rôles en fonction.
Question 2 (a l’acteur): Pour Fists of Legend vous avez du vous entrainer pour mincir et fortifier votre corps. A quelques mois d’intervalle, pour Boomerang Family vous avez du prendre du poids pour jouer un personnage tout à fait opposé. Quel fut votre régime dans ce cas, et auquel des rôles vous identifiez-vous le plus ?
Yoon Je-moon : J’ai surtout du beaucoup manger en amont du tournage. Comme vous voyez dans le film je suis vraiment gros. (rires) J’aime beaucoup manger, donc je préfère profiter des bonnes choses, c’est plus moi.
Question 3 (a toute l’équipe) : Si cette famille était la votre, quel serait votre sentiment ?
Yoon Yeo-jong: Je deviendrais folle !
Song Hae-sung: Cela me demanderait que peu d’adaptation, puisque cette famille ressemble beaucoup à la mienne!
Yoon Je-moon: Ce serait douloureux!
Question 4: Est-ce que le système de quota, valide jusqu’au début des années 2000, a bénéficié a l’industrie cinématographique coréenne?
Song Hae-sung : Le quota a effectivement disparu et a été un soutien indéniable au développement du cinéma en Corée du Sud.
Question 5 : Ce film est très riche en émotions, on pourrait même dire qu’il y a quelque chose de très Shakespearien dans la façon dont on les ressent. On ne sait pas s’il s’agit d’une comédie ou d’un drame, comment recevoir ce film… Comment avez-vous intégré cela dans votre approche ?
Yoon Yeo-jong : J’étais sérieuse dans mon jeu, quoiqu’a certains moments j’essayais d’être plus légère.
Song Hae-sung : Le marketing du film a été surtout du coté comique, même si nous ne le ressentions pas vraiment ainsi. Mais j’espère que le public l’a compris comme ca.
Question 6 : Est-ce que « Titanic Melons » (un film érotique réalisé par l’un des personnages du film, qui est lui-même un réalisateur) sortira en salle ? (rires)
Song Hae-sung : Si le film (Boomerang Family) avait eu plus de succès, nous aurions peut-être pu tenté de faire quelque chose avec. Mais, cela restera de l’ordre du fictionnel…
Question 7 : Quel moment du tournage avez-vous préféré ?
Song Hae-sung : Je me rappelle très bien du jour passé à tourner au bord de la mer, et à dégusté des fruits de mers. C’est la scène ou la famille se dispute en public, ce qui génère une bagarre générale. Les acteurs avaient bu, et après la première prise, étaient prêts a rentrer chez eux. Mais, nous les avons finalement rappelés pour refaire la scène une deuxième fois.
Yoon Yeo-jong : Je me rappelle aussi de cette scène. Je suis vieille et ne peux pas boire. Pour la scène, on m’a demandé de boire un verre de soju (alcool de riz coréen), mais le plus dur c’était de boire d’une traite. Alors quand on m’a demandé de revenir faire la scène une deuxième fois…
Yoon Je-moon : J’ai adoré la scène du diner à déguster un délicieux sangyopsa. Je devais prendre du poids, et sur le tournage nous avons vraiment beaucoup mangé. Nous buvions aussi beaucoup entre acteurs… Je me rappelle aussi du diner au bord de la mer…
Tony Rayns : Il semble que vous avez beaucoup bu sur le tournage. Quel était le budget alcool pour ce film ?
Song Hae-sung : Une grosse partie du budget était pour la location de l’appartement ou un grand nombre de scènes se déroulent. Nous avons effectivement utilisé du soju pur dans de nombreuses scènes, au lieu de l’eau. Mais, vu que le soju n’est pas cher en Corée, cela ne constituait pas une dépense majeure.
Tony Rayns : Le film est riche en émotions. Nous avons été surpris nous attendant à une comédie. Quel regard allez-vous porter à vos amis et surtout vos familles après ce film ?
Song Hae-sung : Aucun film ne m’a jamais rendu aussi heureux. J’ai adoré le processus de production. Cela va être difficile de trouver mieux pour un prochain projet, quand bien même je travaille sur six films par an… Rien ne va changer… C’était extraordinaire, Yoon Yeo-jong nous apportait aussi les plats qu’elle cuisinait pour bien nous nourrir…
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