Dans le cadre du festival pan-asiatique organisé par l’association Asia House à Londres, nous avons rencontré le réalisateur taïwanais Yang Ya-Che, dont le film Gf*Bf* (2012) a reçu plusieurs prix aux festivals Golden Horse et de Taipei, ainsi qu’une nomination aux Asian Film Awards 2012 – notamment pour la performance de ses acteurs. Le film a aussi été aussi le premier film local au box office taïwanais en 2012. Gf*Bf* suit l’évolution des relations amoureuses croisées entre trois amis d’enfance, Mabel, Liam et Aaron, pendant les trente années de transition d’un gouvernement autoritaire à une démocratie moderne.
Brice: Vous avez une expérience initiale dans la production d’émissions télévisées. Dans votre série populaire, A Lullaby Against Love (2008), les personnages font face à la dure réalité de leur existence, devenant plus matures et en quelque sorte, plus amers. Cette amertume et l’évolution en des êtres raisonnables et mature semble être un thème clef dans vos films, Orz Boyz (2008) et Gf*Bf*. Est-ce intentionnel ? Y a-t-il un message que vous souhaitez transmettre ?
Yang: Oui, tout à fait. Je ne crois pas à une vie tout en rose. Il y a forcément amertume et désillusions. Ainsi, les histoires que je raconte contiennent forcément cette tristesse de l’existence, que j’essaie de faire passer de façon subtile. Je suis un fan d’Oscar Wilde pour cette même raison qu’il dépeint la vie de manière réaliste et sans artifices.
Brice: Est-ce pour quoi vous ne montrez pas les drames les plus durs, mais les suggérez ? Par exemple, dans Gf*Bf*, Mabel (Lun-Mei Gwei) est laissée entre deux choix: donner naissance à ses jumelles ou survivre via un avortement qui stopperait le développement de son ulcère. Le début et la fin du film nous donne une réponse sur le choix mortel qu’elle a fait.
Yang: Oui, je préfère procéder ainsi et ne pas montrer les aspects terribles frontalement devant la caméra.
Brice: Les dialogues du film sont très justes. Quelle liberté laissez-vous aux acteurs pour les interpréter ?
Yang: Tous les dialogues sont déjà dans ma tête, mais je n’en donne qu’une partie à mes acteurs, pour leur donner la flexibilité d’exprimer les émotions à leur façon et dans leur naturel.
Brice: Ont-ils eu des difficultés à rentrer dans leurs rôles?
Yang: Joseph (Chang) a effectivement exprimé quelques résistances à jouer un homosexuel (Liam). Mais, il s’est forcé et a pu donner une performance très crédible.
Brice: Il contient très bien ses émotions, le personnage non assume de Liam est très convaincant. Qu’en est-il pour Rhydian? L’expressivité extrême de ses expressions faciales est-elle voulue?
Yang: Je voulais profiter de son visage occidental pour faire passer cette expressivité difficile à obtenir pour les visages de taïwanais de souche. Donc, oui.
Brice: Comment avez-vous réussi à rassembler autant d’acteurs talentueux, tells que Lun-Mei Gwei (Flying Swords of Dragon Gate, Starry Starry Night) ?
Yang: Je connais Lun-Mei et Joseph (Chang) personnellement depuis l’âge de 20 ans. Nous avons gardé contact pendant toutes ces années. En ce qui concerne Rhydian, je ne le connaissais pas, mais après quelques verres, j’ai commencé à le connaitre. (rires) Son beau visage et son origine mixe, taïwanaise et britannique m’ont convaincu que je le voulais dans mon film. L’alcool était aussi bien utile pour désinhiber Gwei-Lun, qui est une actrice très timide.
Brice: Pour revenir au contexte du film, les mouvements populaires y ont une place importante. Y avez-vous pris part personnellement?
Yang: A l’époque, je n’avais que 14 ans, donc mon implication était surtout pour récupérer de la nourriture gratuite. (rires)
Brice: Mais, quoi qu’il en soit, vous avez été quand même témoin des événements. Quelle est la prochaine étape pour Gf*Bf*? Avez-vous de nouveaux projets de film?
Yang: La carrière du film en festival touché à sa fin, et j’ai été très heureux de le présenter au Royaume-Uni, le pays d’Oscar Wilde. En ce qui concerne mon prochain projet, il portera sur les dessous du commerce d’antiquités en Chine.
Brice: Merci beaucoup pour votre temps, et nous attendons avec impatience de voir votre prochain film qui touche à un thème sans aucun très intéressant.