Chronique manga : Cigarette and Cherry T.1 et T.2 de Daishiro Kawakami

Premier manga de Daishiro Kawakami à arriver dans nos contrées, Cigarette and Cherry est un titre qui mélange l’humour absurde à la romance, enchaînant les saynètes où un héros prend des râteaux face à la femme qui le fait rêver. Très drôles, les deux premiers tomes sont disponibles depuis le mois dernier chez Kana.

Synopsis :
« À peine arrivé à l’université, un jeune homme encore vierge s’est promis de trouver une petite amie. C’est alors qu’il fait la connaissance d’une sublime étudiante plus âgée que lui. Mais la senpai repousse toutes les tentatives d’approche de ce kôhai déterminé mais complètement inexpérimenté, qui tire son peu de savoirs de livres de drague. La cause est-elle perdue d’avance…? » (Kana)

© Kana 2020

Le héros de Cigarette and Cherry est un loser, lui qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie et dont l’unique objectif en arrivant à l’université est de trouver sa première petite amie. C’est là qu’il flash sur une étudiante en doctorat, qui n’a pas l’air bien intéressée par ses petites techniques de drague. Des techniques tout droit sorties de livres écrits par des gens qui n’ont pas l’air de savoir grand chose aux relations humaines, mais qui poussent notre héros à essayer des astuces improbables. Le premier tome propose ainsi un concept plutôt rigolo : chaque chapitre marque une nouvelle rencontre entre le héros et la femme de ses rêves, lors de la pause cigarette de cette dernière entre deux cours. Le héros apparaît comme un harceleur, très lourd, mais le manga a le bon sens de le ridiculiser sans cesse : son mauvais comportement et son insistance est sanctionnée par des remarques acerbes et incisives de la part de la jeune femme. Même si on peut s’interroger sur la suite qui finit irrémédiablement par rapprocher les deux personnages, on remarque que l’auteur prend soin de mettre son héros face à ses erreurs pour le pousser à évoluer et agir d’une manière plus acceptable. Plus qu’une comédie romantique, le manga raconte la manière avec laquelle le héros gagne en maturité et respect pour les femmes qui l’entourent. C’était pourtant un sujet compliqué, et le manga tombe d’ailleurs dans certains écueils qui nous poussent à lever les sourcils, mais il parvient à trouver un bon équilibre qui évite à tout prix de glorifier le comportement de son personnage principal.

© Kana 2020

Le manga recèle de bonnes idées côté gags, on s’amuse vraiment à découvrir comment l’étudiante va rembarrer le héros, elle qui est pleine de répartie et de hauteur face à un jeune homme qui agit de manière au mieux désagréable. Mais on regrette que le deuxième tome perde cette dynamique, en allant plus loin que la simple rencontre autour d’une pause cigarette. L’action se déplace vers d’autres lieux -à commencer par le café où travaille l’étudiante, en faisant évoluer sa structure et sa manière de raconter leurs rencontres. C’est évidemment une bonne chose que le manga se renouvelle, mais ce changement de paradigme dans l’approche des situations peine à retrouver la dynamique du premier tome. L’humour devient moins efficace, les rencontres sont plus sérieuses, et on se met soudainement à tomber dans une histoire romantique très caricaturale où certains révèlent leurs traumatismes pour réapprendre à aimer. Moins foufou que le premier, le deuxième tome reste toutefois agréable à lire grâce au super travail de Daishiro Kawakami sur les dialogues, toujours très bon lorsqu’il met une dose d’absurde. Les dessins quant à eux jouent essentiellement sur le décalage entre la sobriété générale qui se dégage de l’œuvre et les expressions farfelues du héros. Face à la beauté et la sérénité de l’étudiante, le héros apparaît ridicule et complètement perdu ; un décalage définitivement bien senti.

Cigarette and Cherry est une bonne petite comédie. Souvent drôle, le manga manipule un humour qui se balade parfois entre absurde et cynisme, mais toujours avec la firme intention d’appuyer sur le ridicule du comportement de son héros. Certes, il y a une grosse dose de sexisme que l’auteur ne parvient pas toujours à évacuer, et sûrement un manque de recul et parfois même d’intelligence sur sa manière d’écrire les personnages féminins. Mais il arrive toujours à se rattraper avec un humour finement ciselé, et bien que le deuxième tome nous a semblé plus faible et moins inspiré, on gardera tout de même un œil sur cette nouvelle série prévue en 10 tomes (tous déjà sortis au Japon).