Critique Kdrama : Itaewon Class de Kim Sung-yoon

Date de sortie
31/01/2020
Réalisateur
Kim Sung-yoon
Scénariste
Jo Gwang-jin
Diffusion
JTBC / Netflix
Notre score
4.3

Grand succès du début d’année, à tel point que le drama a réuni la deuxième plus grande audience de l’histoire de son diffuseur JTBC juste derrière Sky Castle, Itaewon Class est accessible dans nos contrées depuis le 28 mars dernier sur Netflix, dans le cadre du partenariat qui unit la plateforme américaine à la chaîne du câble coréen. Réalisé par Kim Sung-yoon, de retour après son joli succès Love in the Moonlight, le drama adapté d’un webcomic de Jo Gwang-jin nous embarque dans le quartier d’Itaewon où un ancien détenu tente de trouver le succès avec son nouveau bar.

Jeté en prison pour avoir agressé celui qui a causé la mort de son père, Sae-ro-yi (incarné par Park Seo-joon) est victime d’une injustice alors que le meurtrier s’en est sorti sans dommages grâce aux relations de son père, à la tête d’un puissant conglomérat. Quelques années plus tard, Sae-ro-yi sort de prison avec avec trois objectifs : créer son propre bar dans le populaire quartier d’Itaewon, trouver le succès et se venger du conglomérat sur son propre terrain, quitte parfois à renier ses propres valeurs.

Quiconque a déjà mis un pied à Itaewon, ce quartier multiculturel de Séoul où règnent en maîtres bars et restaurants branchés, retrouvera son ambiance très particulière dans le drama. Et c’est même le centre de son propos en plongeant son héros au sein d’un quartier qui a tout pour raconter une passionnante histoire de vengeance personnelle sur fond de business. Le quartier est jeune, rythmé et en proie à l’omniprésence d’hommes d’affaires qui viennent y trouver un peu de détente tout en gonflant leur compte en banque grâce à leurs propriétés. Le héros de Itaewon Class rêve d’en être un : pas par avidité -du moins pas au début- mais plus pour tenter de se venger des responsables de la mort de son père. Le réalisateur fait un excellent travail en retranscrivant ce qui fait le sel du quartier, à tel point qu’il apporte une certaine vraisemblance et originalité à une intrigue qui emprunte tout à ses prédécesseurs. Car si le quartier d’Itaewon n’est jamais vraiment au cœur de l’intrigue dans les dramas coréens, la vengeance elle n’est jamais très loin et Itaewon Class en reprend tous les éléments, pour le meilleur et pour le pire.

Quartier jeune et ô combien populaire, Itaewon ne serait rien sans un petit groupe aux origines sociales bien différentes. Pendant que certains tentent de faire carrière dans un conglomérat, qu’une « influenceuse » fait des ravages dans le quartier grâce à ses relations, d’autres vivotent de petits boulots. Et c’est là encore que le réalisateur et son scénariste, l’auteur du webcomic, jouent le jeu à merveilles en embrassant toute la diversité du coin. La présence d’un personnage d’origine étrangère, Chris Lyon, au casting, permet d’ailleurs d’aborder des questions relativement nouvelles dans ce type de production coréenne. Le racisme tout particulièrement avec son origine ethnique qui devient une curiosité au mieux, ou un franc rejet au pire. D’origine guinéenne, le personnage qu’il incarne exprime de la meilleure des manières cette frange de la population sud-coréenne qui a bien du mal à se faire accepter au sein de la société à cause de son physique, quand bien même le personnage ai lui-même des origines coréennes. Un élément que raconte très justement sa quête personnelle, en recherche de son père sud-coréen. D’autant plus que ces questions peuvent parfois mettre à mal la dynamique de groupe, ne faisant pas de ses héros, comme l’irritante Yi-seo incarnée par Kim Da-mi, des exemples d’ouverture d’esprit, le réalisateur n’hésitant pas à mettre des coups à ses personnages pour dévoiler toutes leurs faiblesses et leurs erreurs. On a aussi énormément apprécié le personnage incarné par Lee Joo-young, très juste dans ce rôle transgenre qui, là encore, fait beaucoup de bien dans le paysage télévisuel coréen. Au milieu d’une industrie très conservatrice, Itaewon Class esquisse un petit élan en faveur d’une diversité bien présente en Corée que les dramas, malheureusement, ont tendance à cacher de la même manière que le fait la société coréenne.

Et c’est d’autant plus réussi que ces deux personnages s’intègrent parfaitement dans la dynamique de groupe. On se prend d’affection pour cette bande de jeunes aux problèmes tous bien différents malgré le caractère particulièrement irritant de la plupart d’entre eux, et quand se posent les questions qui mettent à mal une société conservatrice le réalisateur n’épargne aucun de ses personnages. On a parlé du rôle joué par Kim Da-mi qui concentre un peu toutes les réticences d’une jeunesse plus conservatrice qu’elle ne veut bien le prétendre, mais on pourrait aussi bien raconter tous les autres dont l’ouverture d’esprit n’est souvent qu’une façade, qu’une image qu’ils tentent de maintenir pour s’intégrer dans le quartier. A commencer par le héros joué par Park Seo-joon, dont l’apparente gentillesse et bienveillance envers ses employés est le plus souvent motivé par sa recherche du succès, bien qu’il joue un rôle important dans les arcs narratifs qui sont franchement bien menés autour des questions des discriminations.

Si le petit groupe de jeunes est souvent malmené et remis en question par ses auteurs, les personnages n’en restent pas moins terriblement attachant. Parfois désagréable, parfois clairement honteux, ils n’en restent pas moins une belle représentation de ce que la jeunesse d’Itaewon peut offrir. Ce quartier devient d’ailleurs un personnage à part entière, le réalisateur le filmant avec beaucoup de justesse et d’idées, mettant en contraste ses néons de la nuit à ses rues paisibles la journée. Le dernier tiers du drama est malheureusement moins intéressant, on sort du quartier d’Itaewon et ses spécificités qui faisaient tout l’intérêt du drama, la bande de jeunes gagnant largement en maturité afin de devenir des adultes plus obnubilés par des questions de pouvoir et d’argent : un tournant trop classique pour un drama qui au contraire, se distinguait pour sa manière de traiter des sujets qui sont rares dans le paysage télévisuel sud-coréen. Alors cela ne change pas grand chose à la qualité du drama, et on comprend très bien ce que son auteur a voulu dire sur l’effet du pouvoir sur des jeunes qui prétendent avoir d’autres valeurs, mais on doit bien avouer que cela a eu tendance à faire disparaître tout le charme des deux premiers tiers.

Difficile tout de même de ne pas être emballé par Itaewon Class. Très justes, les acteurs et actrices incarnent des personnages aux personnalités marquées qui représentent un peu tout ce que ce si populaire quartier de Séoul est capable d’offrir. Histoire de vengeance ou d’une jeunesse qui se cherche, c’est aussi un drama qui a été capable d’aborder des questions extrêmement rares à la télévision en Corée sans épargner ses personnages, quitte à remettre en cause des croyances qui fondent une bonne partie de la société coréenne. Certes, notre critique s’est en bonne partie portée sur ces questions car c’est ce qui nous semble être le plus essentiel dans ce que Itaewon Class nous raconte, mais c’est aussi et avant tout un drama particulièrement bien mené, avec un vrai sens du rythme qui empêche tout temps mort. Les personnages vivent, évoluent et se dévoilent au fil d’une aventure passionnante où cette bande de jeunes suscite autant l’admiration que l’exaspération.