Critique Kdrama : Vagabond de Yu In-sik

Date de sortie
20/09/2019
Réalisateur
Yu In-sik
Scénaristes
Jang Young-cheol, Jung Kyung-soon
Diffusion
SBS / Netflix
Notre score
4.5

Vagabond est la dernière super-production coréenne, un drama ambitieux qui a tourné ses épisodes entre Séoul et Tanger au Maroc. Entièrement versée dans l’action, la série nous raconte une histoire d’espionnage et de terrorisme, avec Lee Seung-gi en tête d’affiche, acteur avec lequel le réalisateur Yu In-sik a déjà travaillé sur You’re all surrounded, et Bae Suzy, l’idole qui a véritablement tiré un trait sur sa carrière de chanteuse pour se concentrer sur celle d’actrice, avec beaucoup de réussite il faut l’avouer. Le drama a été diffusé quotidiennement sur Netflix dans nos contrées en même temps que sa diffusion coréenne sur SBS, et est désormais disponible entièrement.

Un avion de ligne en partance de Corée du Sud se crash près du Maroc. A son bord, une équipe de très jeunes combattants de taekwondo qui allaient faire une démonstration au Maroc. Les familles sont accueillies là-bas et, Cha Dal-geon (interprété par Lee Seung-gi), l’oncle d’une victime, voit par hasard à l’aéroport un homme qui était censé être dans l’avion. Convaincu qu’il y a quelque chose d’anormal derrière ce crash, il tente de découvrir la vérité, épaulé par Go Hae-ri (jouée par Bae Suzy), une agente du NIS, les services secrets coréens.

Un avion qui se crash, des familles endeuillées qui demandent des comptes et des lobbyistes dans le domaine de l’aéronautique qui se frottent les mains. Voilà comment résumer les débuts de Vagabond, qui mélange l’action aux grands complots politiques et financiers, avec une dose de déshumanisation assez terribles des victimes d’un plan machiavélique. Evidemment, les choses sont plus compliquées, mais le premier épisode du drama a le mérite de nous embarquer dans une aventure qui ne manquera jamais d’intensité. Le héros incarné par Lee Seung-gi, qui a un vrai truc pour l’action, est un cascadeur un peu raté. Celui qui rêvait de jouer dans des blockbusters se retrouve à péniblement joindre les deux bouts à bord de son taxi entre deux blessures sur des tournages. Il ne tarde pas à faire la rencontre d’une stagiaire l’ambassade sud-coréenne au Maroc, chargée d’accueillir les familles des victimes du crash. Celle-ci est jouée par Bae Suzy, en réalité une agente des services secrets, et tout s’emballe pour les deux lorsque le héros aperçoit à l’aéroport un homme qui était censé être mort dans l’avion. Le duo s’embarque dans une quête pour la vérité, et on doit dire que ça fonctionne très bien.

Le réalisateur Yu In-sik a eu le bon goût de s’éloigner des codes des dramas coréens, même s’il s’y rattache une fois ou deux pour le plaisir de quelques spectateurs, en prenant à contre-pied cette fâcheuse tendance à faire vivre l’histoire par les émotions des personnages. Dans Vagabond, la narration passe par l’image, l’action et le complot qui anime l’aventure. Les deux têtes d’affiches ne sont que des outils pour mener à bien l’histoire imaginée par le duo de scénaristes Jang Young-cheol et Jung Kyung-soon (Giant, Empress Ki), obligeant parfois les personnages incarnés par Bae Suzy et Lee Seung-gi à s’effacer derrière l’intrigue. On ne perd pas trop de temps sur leurs histoires et leurs passés, préférant rester dans le feu de l’action et l’intensité de la narration. Une intensité parfaitement menée grâce à de vraies bonnes idées en matière narrative, telles que ces zones d’ombres qui caractérisent les personnages permettant de maintenir un doute régulier sur leurs intentions. Le héros lui-même est d’ailleurs mis à mal à un moment clé de la série, remettant en cause les valeurs qu’il porte.

Tout cela ne fonctionnerait pas sans les super interprétations de Lee Seung-gi et Bae Suzy. Le premier a prouvé il y a bien longtemps ses qualités, on se souvient par exemple de The King 2 Hearts il y a quelques années où il faisait ses premiers pas dans un véritable drame, mais les choses sont parfois plus compliquées pour Bae Suzy. Venue de la musique, elle a eue du mal à se détacher de cette image « d’idole », mais il faut bien avouer qu’elle a beaucoup progressé au fil des années et se montre pleine de qualités dans Vagabond. On regrette d’ailleurs que son personnage soit parfois relégué au second plan lors des scènes d’action, alors qu’elle est agente des services secrets (au contraire du héros, un civil), et on se dit qu’elle aurait certainement mérité d’avoir plus de poids dans l’intrigue. Son personnage est taillé sur-mesure pour une actrice trop habituée aux romances qui avait besoin de s’affirmer sur un genre complètement différent. Et ça fonctionne. Le reste du casting ne manque lui aussi pas de qualité, la plupart des personnages secondaires étant campés par des acteurs et actrices pleines d’expérience, à l’image de Shin Sung-rok, Kim Min-jong, Jeong Man-sik ou Moon Jeong-hee. On se délecte d’ailleurs du rôle de cette dernière, en lobbyiste acharnée, qui n’hésite pas à mettre en péril la vie des uns et des autres pour signer de gros contrats. Il y a quelque chose de caricatural dans la plupart des personnages, mais l’ensemble s’imbrique parfaitement et offre mine de rien une série très agréable à suivre.

Tourné entre le Portugal, le Maroc et la Corée, la série offre une vraie diversité dans ses décors et ses situations, notamment à Tanger. La célèbre ville côtière marocaine accueille quelques unes des nombreuses scènes d’action que compte Vagabond, profitant pleinement de l’architecture marocaine pour sa mise en scène. La réalisation est d’ailleurs souvent intéressant, elle s’appuie sur une tension permanente qui anime la série, tant dans la mise en scène de ses dialogues que l’action à proprement parler. Mais ces scènes d’action manquent parfois de maîtrise, le réalisateur tombant dans l’écueil de la « shaky cam » qui anime et gangrène bien trop de productions du genre. Il y a un vrai manque de lisibilité sur les combats, où les mouvements de caméra comptent beaucoup trop sur l’effet « shaky cam » plutôt que sur les chorégraphies. Un choix douteux quand on sait que Lee Seung-gi a de bonnes bases en sports de combat et aurait mérité qu’on mette en valeur ses exploits. Heureusement le réalisateur Yu In-sik s’en sort mieux sur tout le reste, notamment les courses-poursuites, fusillades ou même de simples dialogues qui bénéficient d’un vrai soin sur les mises en situation.

Malgré ses faiblesses sur les scènes de combats, Vagabond est une vraie bonne série pour cette fin d’année. La tension quasi-constante instaurée par le réalisateur empêche le moindre temps mort et maintient un rythme soutenu qui fait plutôt plaisir à voir. Ses seize épisodes ne manquent pas de qualité, notamment grâce à l’interprétation de ses acteurs principaux, mais aussi grâce à sa narration qui s’éloigne des standards du drama coréen. Sans pour autant révolutionner le genre, Vagabond est un excellent drama d’action dont on espère l’annonce prochaine d’une deuxième saison. Rien n’a encore été annoncé à l’heure où cette critique a été rédigée, mais les déclarations de Lee Seung-gi qui a avoué après la fin de la diffusion espérer une suite et le cliffhanger final sont autant d’indications qu’on ne devrait pas en rester là.