Critique : Mother de Bong Joon-ho

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Do-joon, 28 ans, a le visage d’un ange. Mais le jeune homme a également une légère déficience mentale qui le rend quelque peu naïf, amnésique, et pousse sa mère a contrôler le moindre de ses faits et gestes. Car il a tendance à ne pas réfléchir avant d’agir, sa spontanéité le pousse parfois dans un danger inconscient. Un jour, une jeune fille est retrouvée morte dans le village, et Do-joon, déjà bien connu des services de police, est immédiatement jugé coupable et envoyé derrière les barreaux. Commence alors le long combat d’une mère aimante qui enquêtera seule avec son instinct afin d’innocenter sa seule raison de vivre, son fils adoré.

Mother, sorti dans les salles coréennes en 2009, est l’un des long-métrages à succès accueilli à bras ouverts par la critique et qui s’ajoute à l’incroyable filmographie du réalisateur très reconnu Bong Joon-ho, avant et après d’autres réussites telles que le classique Memories of Murder, The Host sorti en 2006, ou Snowpiercer et Okja, plus récents.

Au casting, Kim Hye Ja, plus connue pour ses rôles dans des dramas (Goong, You and I), rejoint le projet et nous délivre une performance à la fois admirable, émouvante, et imprégnante dans un rôle de mère maitrisé avec intelligence. Un rôle d’ailleurs récompensé maintes fois, notamment par l’Asian Film Awards qui lui décerna le titre de meilleure actrice. On soulignera aussi le jeu subtil et très bien accomplit de Won Bin, le fils simplet, qui démarquera d’un style bien plus sombre et différent qu’il affichera plus tard dans le thriller The Man From Nowhere réalisé par Lee Jeong-beom et qui prouvera ainsi ses facultés à arborer différentes casquettes.

Basculant entre mélo-familial, comédie, drame, et récit policier, le notoire Bong Joon-ho réalise encore une fois un véritable mélange des genres dans un récit transcendant les codes classiques du cinéma dans ce long-métrage de plus de deux heures étalant une certaine réflexion sur la société et les liens familiaux à travers une mise en scène subtile et travaillée qui séduit et nous transporte de scène en scène.

Do-Joon est un garçon distrait, sans filtres, et aux facultés mentales limitées. Pourtant, sa mère ne semble voir que le bon en son cher garçon qu’elle traite d’ailleurs encore comme un petit enfant de 5 ans : Elle le surveille sans cesse, l’observe en train d’uriner et dort avec lui. Familière avec les forces de l’ordre, elle tente régulièrement de les attendrir avec de petits cadeaux artisanaux afin qu’ils ferment les yeux sur les petits écarts de sa progéniture. Une sur-protection qui peut sembler attendrissante, mais parfois malsaine, voir dangereuse.
Mais l’histoire est bien plus ingénieuse et étudiée qu’on ne le pense. On comprendra finalement que la relation mère-fils est bien plus complexe qu’il n’y parait, et que la protection excessive de la mère peut s’expliquer par un drame familial passé et par le souvenir enfoui d’une tentative de meurtre désespérée sur le fils qui a du mal a s’effacer.

Maman Do-Joon sait se montrer attendrissante, et même parfois amusante, lorsqu’elle se laisse aller à quelques pas de danse lunaires au milieu de nulle part. On en vient à se demander alors si le fils ne tient pas un peu de la mère. Aussi, madame a sa propre façon d’apaiser les tensions, et de se désintéresser des soucis qu’elle traverse. Un peu d’acupuncture pour oublier, une aiguille plantée dans la cuisse, et le tour est joué. Un véritable jeu sur la mémoire, l’oubli, et les flash-backs.

L’idiotie de Do-Joon lui vaut souvent la sympathie et la pitié des locaux, mais le condamne aussi a être jugé coupable sans aucun préavis. Délaissée par les policiers du coin et prise à la légère par un avocat moyen qui lui donne un rendez-vous d’affaire sordide dans un karaoké de nuit accompagné de femmes de joie, maman part seule en investigation, avec pour seules armes son courage et ses intuitions. Futée, sa vision de la loi est pourtant très personnelle, car elle n’hésitera pas à entrer par infraction chez son suspect numéro un, un ami de Do-Joon qui avait pour habitude de profiter de sa simplicité. On peut y voir une critique des fonctionnaires, donc, mais aussi du sens de la moral. Libre à chacun d’interpréter les messages qu’il reçoit comme il l’entend.

On sait que la vieille dame se laisse déborder par un amour aveuglant, mais nous spectateur, ne voulons pas nous laisser duper. Est-il capable d’un meurtre, dans un moment d’égarement? Peut-être bien. Mais l’as t-il réellement commis? C’est la question principale qui taraudera sans cesse dans nos esprits et éveillera nos méninges et notre intérêt pour une enquête d’envergure. Sombre est le récit qui nous transporte, mais les actes parfois saugrenues des personnages sauront ajoutée une pincée de légèreté dans un film poignant. D’une ouverture burlesque à une fin grandiose et significative, Mother nous transporte dans un monde déchirant, rude et bouleversant mais également tendre et élégiaque.

Mother de Bong Joon-ho
Mother nous transporte dans un monde déchirant, rude et bouleversant mais également tendre et élégiaque.
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