Critique : Tunnel de Seong-Hun Kim

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Lee Jung Soo, concessionnaire automobile, est sur le chemin de la maison prêt à fêter l’anniversaire de sa jeune fille avec un gâteau fraîchement acheté. Ses plans sont contrecarrés lorsqu’il passe sous un tunnel délabré qui s’effondre subitement sur lui et l’ensevelit, le coupant de toute issue, avec pour seul abri, sa voiture. C’est alors toutes les grandes forces de la nation, le gouvernement, les secours, et les médias, qui se mobilisent au sujet de la survie d’un seul individu.

Fraîchement sorti dans les salles de cinéma coréennes en 2016, Tunnel fut l’une des sensations du festival du film coréen à Paris l’an passé, pour une raison bien évidente: c’est la toute dernière oeuvre du renommé Seong-Hun Kim, réalisateur du récent Hard Day (2014) et de He Was Cool (2004). Dans le même esprit dénonciateur, Seong-Hun Kim choisi de décrypter l’humain dans sa nature la plus profonde dans un film catastrophe dramatique digne d’un véritable blockbuster. Un film d’émotion, donc, qui met en situation des personnages dans une situation particulièrement critique. La valeur du partage et des ressources naturelles, le sens des priorités, la solidarité et l’humanité sont des qualités humaines mises à l’épreuve tout au long du film.

Les acteurs principaux à l’affiche sont loin d’être inconnus du grand public; nous retrouvons l’acteur et réalisateur Ha Jeong-woo dans le rôle principal, dont nous avons pu récemment admirer la performance dans le dernier Mademoiselle sortie en 2016, Bae Doona (Sense8), et Oh Dal-Su (Assassination, Old Boy), dont les performances plus que satisfaisantes nous livrent un florilège d’émotions diverses dont nous ne pourrons jamais échapper.

Le personnage de Lee Jung Soo est à vrai dire peu développé; nous n’avons comme seules informations que sa profession et sa situation familiale; c’est monsieur tout le monde, ce qui permet de nous y identifier aisément. C’est ainsi d’une manière exceptionnellement naturelle que nous sommes pris d’un attachement immédiat pour ce personnage perdu dans une détresse absolue qui va jusqu’à nous transmettre chacune de ses inquiétudes et montées d’espoir, et qui tire même parfois le film en tragi-comédie au moyen de quelques scènes légères -Lee Jung Soo décide de faire un peu de ménage dans son automobile, pourtant complètement ensevelie de poussière et de graviers- affublées d’un fond sonore digne d’une comédie.

Le caractère de Lee Jung Soo est nuancé; dans un contexte de lutte pour la survie, il fera preuve d’un égoïsme paraissant naturel lorsqu’une autre survivante dont il fait la découverte lui demandera un peu d’eau et qu’il hésite quelques secondes avant de la partager; Et, il se montrera insouciant de ce qui l’entoure quand il se voudrait rassurant et qu’il demandera avec sérieux à sa femme au bout du fil si elle n’a pas loupé son petit-déjeuner.

Si le synopsis du film annonce une intrigue bouleversante et larmoyante au possible, on remarque que les performances des acteurs restent mesurées, dans une certaine retenue émotionnelle. On se situe bien loin des réactions dramatiques exagérées hollywoodiennes. Ce film fait preuve d’une certaine pudeur, notamment de la part de l’épouse, jouée par Bae Doona donc, qui tente de garder la tête haute et de montrer une certaine force d’esprit plutôt que de jouer la femme apeurée et effondrée face à la situation.

Le film nous offre deux points de vue, celui du monde extérieur contenu dans un microcosme, entre les médias, les sauveteurs, et le gouvernement, et l’intérieur du tunnel où le héro est prit au piège. Entre humanité et égoïsme, les valeurs humaines de ces différents groupes sont bien tranchées: Tandis que les médias prônent le sensationnel et les faits divers au dépit de la vie humaine, le gouvernement reste focalisé sur le budget du sauvetage, et les secouristes travaillent d’arrache-pied durant des semaines pour tenter de sauver un seul homme parmi des mètres de débris. De longues secondes de fonds noirs peuvent marquer une transition avec le monde à l’intérieur du tunnel; mais c’est parfois à cet endroit que le sentiment d’espoir est le plus fort alors que les inquiétudes et le pessimisme sont plus exprimées à l’extérieur.

On peut dire que Lee Jung Soo ne fait pas attendre ses téléspectateurs; dès les cinq premières minutes du film, l’élément déclencheur est mis en place et l’intrigue se focalise entièrement sur les conséquences de l’accident sur le héro et à l’extérieur. Le danger s’accroît et est permanent, ce qui procure au téléspectateur des émotions passant de l’angoisse insoutenable au soulagement, de l’espoir au désespoir, et ce qui rend le ton, l’ambiance du film, de plus en plus lourde. Nous sommes pris par les mêmes émotions que les personnages dénués d’artifices, et leur instinct nous transporte systématiquement avec eux, et ce, jusqu’à la fin. Pas le temps de s’ennuyer donc, tant les péripéties sont habilement transposées. Aussi, nous avons droit à des images et des cadrages de qualités dans un style sombre nuancé de gris et parsemé de touches de couleurs primaires qui accrochent le regard et livrent des visuels accrocheurs.

Tunnel, c’est un véritable blockbuster de survie et d’émotion qui dénigre le sensationnel au profit de l’humain et qui s’inscrit certainement dans les meilleurs drames coréens de l’année 2016, genre hautement maîtrisé par l’industrie cinématographique du pays, et qui est à ne pas louper à sa sortie dans les salles françaises le 3 mai 2017.

Tunnel de Seong-Hun Kim
Tunnel, c’est un véritable blockbuster de survie et d’émotion qui dénigre le sensationnel au profit de l’humain et qui s’inscrit certainement dans les meilleurs drames coréens de l’année 2016
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