Critique : L’été de Kikujiro de Takeshi Kitano

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L’histoire : Masao s’ennuie. Les vacances scolaires sont là. Ses amis sont partis.
Il habite Tokyo avec sa grand-mère dont le travail occupe les journées. Grâce à une amie de la vieille femme, Masao rencontre Kikujiro, un yakusa vieillissant, qui décide de l’accompagner à la recherche de sa mère qu’il ne connait pas. C’est le début d’un été pas comme les autres pour Masao…

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L’été de Kikujiro ressort actuellement en salles grâce aux distributeurs Bac films et la Rabbia, permettant ainsi de redécouvrir le film de Takeshi Kitano prêt de 17 ans après sa première distribution.

L’été de Kikujiro diffère des précédents films de Kitano par sa façon de mêler la comédie et la mélancolie en s’éloignant de la violence. Ici Kitano interprète un yakuza de bas étage, pas une figure emblématique de la mafia, mais plutôt un type sans ambition, sans éducation, qui est prêt à voler l’argent d’un gamin pour parier aux courses, une sorte d’écho à The Kid de Charlie Chaplin mais avec un personnage (au premier abord) odieux à la place de Charlot.

Ici le jeune Masao se retrouve seul à Tokyo l’été quand tous ses copains partent en vacances. Masao n’a plus son père et ne connaît pas sa mère. Par hasard, il trouve une photo de celle ci avec son adresse, et décide alors d’entreprendre le voyage à sa rencontre, tout seul. Finalement le personnage de Kitano, forcé par sa compagne, va l’accompagner dans ce voyage.

Beat Takeshi en tuteur…, un point de départ des plus originaux, celui-ci commence par dépenser tout l’argent de Masao pour ensuite voler un taxi… Irresponsable au possible, le voyage de Masao s’annonce catastrophique, voire tragique (le chapitre avec le salaryman méchant), mais Beat Takeshi arrive toujours à sauver la donne au dernier moment, devenant une sorte d’ange gardien un peu braque.

Le voyage apporte son lot de rencontres cocasses, romancier beatnik voleur de légumes, motards façon Hell s angel, qui vont tous prendre une part importante dans l’été de Masao. Car si le but de retrouver la mère du jeune garçon est le fil rouge du film, du moins dans sa 1ere partie, les jeux, l’imaginaire et l’innocence retrouvée pour l’enfant et les adultes vont constituer la majeure partie de cet album de vacances.

Déguisements, jeux d’eau, plages, clowneries, mise en scènes absurdes, les adultes s’en donnent à cœur joie pour émerveiller Masao. Mais au final, l’enfant ne sera pas forcément celui que l’on croit, le personnage Kitano aussi vit le même parcours initiatique (mais à rebours) que Masao, et lui aussi a des choses à régler avec son passé familiale, ainsi qu’une envie de retrouver une innocence enfantine, loin des problèmes des adultes et loin de la ville.

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Côté mise en scène, Kitano a d’abord eu l’idée originale de chapitrer son film à la façon d’un album photo. Ensuite, dans ces chapitres, de plus ou moins grandes importances, Kitano développe des séquences sketches, comme par exemple quand lui et Masao cherchent à crever les roues d’une voiture pour pouvoir monter dedans. Le rythme se veut lent, prenant son temps, certaines séquences sont comme des scènes de théâtre, avec le point de vue des acteurs (les adultes) et du public (Masao). C’est simple, naïf, mais efficace pour plonger le spectateur à hauteur de point de vue de l’enfant, et nous faire pleinement assister aux pitreries régressives de Beat Takeshi et de ses amis. A signaler également la partition magnifique de Joe Hisaishi qui contribue pleinement à la poésie du film.

Au final, Kikujiro est un film très personnel de Kitano, le film raconte les aventures d’un jeune garçon qui va à la recherche de sa mère, mais c’est un prétexte pour le réalisateur japonais qui en réalité dresse un portrait poétique de son propre père à travers ce personnage bourru. Aucun jugement, Kitano démontre une tendresse réelle et réussi à ne jamais tomber dans la surenchère d’émotion ou dans le pathos. L’été de Kikujiro parle d’humanité, de relation entre adultes et enfants, avec un charme poétique indéniable. Un des derniers chef d’œuvre incontestable du maître Kitano. A voir absolument.

 

 

L’été de Kikujiro de Takeshi Kitano
L’été de Kikujiro parle d’humanité, de relation entre adultes et enfants, avec un charme poétique indéniable. Un des derniers chef d’œuvre incontestable du maître Kitano. A voir absolument.
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