#NIFFF2021 Critique : As We Like It de Chen Hung-i et Wei Ying-chuan

© Swallow Wings Films Co.,ltd.

La sélection Formosa Fantastica est dédiée à Taiwan cette année au Festival du film fantastique de Neuchâtel (NIFFF 2021). Un cinéma plein de jeunesse qui revendique, à sa manière, un vent de liberté face au cinéma Hongkongais qui tombe de plus en plus sous contrôle de la Chine. Parmi les cinéastes à l’honneur, il y a Chen Hung-i et Wei Ying-chuan pour leur As We Like It, une sorte de romance qui adapte la pièce Comme il vous plaira de Shakespeare. Avec un twist : tous les rôles sont interprétés par des femmes.

Synopsis :
« En compagnie de sa cousine, Rosalind parcourt Taiwan à la recherche de son père, volatilisé dans la nature après son éjection de l’entreprise familiale. Dans son périple, la jeune femme croise la route d’Orlando, un pilote automobile qui ne la laisse pas indifférente. Pourtant, Rosalind se méfie du coup de foudre et décide donc de se déguiser en homme pour tester son soupirant. Mais ce petit jeu pourrait bien se retourner contre elle. » (NIFFF 2021)

As We Like It parle de patriarcat, ou plutôt, le renverse complètement : au temps de Shakespeare, les femmes n’avaient pas droit à la scène. Au temps de Chen Hung-i et Wei Ying-chuan, les femmes incarnent la scène. En s’appropriant Comme il vous plaira du dramaturge anglais, les cinéastes réalisent un tour de force en confiant tous les rôles à des actrices. Dans un élan de réinterprétation, le film se joue des codes et des interdits, dans un Taiwan utopiste où l’être humain reprend ses droits sur une société hyper-connectée qui a oublié l’essentiel : les relations amoureuses. Parmi elles, quatre jeunes femmes qui se redécouvrent lors d’une aventure quotidienne hors du commun, dans un récit construit comme un jeu vidéo, par niveau.

Très inventif visuellement et narrativement, le film est une vraie perle de créativité, en abordant à sa manière les questions de genre. Une véritable société libre et bienveillante, imaginée par des cinéastes qui font tout pour donner envie d’un tel monde. Et les actrices n’y sont pas pour rien tant elles interprètent de manière rayonnante leurs personnages, je pense notamment à Puff Kuo, Aggie Hsieh et Camille Chalons qui, chacune à leur manière, racontent cette volonté de s’émanciper et d’imaginer la vie autrement.

© Swallow Wings Films Co.,ltd.

As We Like It est un délice visuel, sublimé par une photographie qui harmonise d’infinies couleurs qui se déversent à l’écran comme sur une toile, mettant en valeur des actrices au charisme saisissant. En complet décalage avec l’apparente austérité du théâtre d’antan, le film subjugue par sa capacité à mélanger les couleurs sans jamais perdre le fil d’une cohérence essentielle. Les cinéastes nous dévoilent un monde enchanteur, sorte d’utopie, qui se traduit autant dans la légèreté des débats que dans des visuels d’une beauté infinie.

Difficile enfin de ne pas y voir un moyen d’échapper à la censure, avec une double lecture qui rappelle les nombreuses tensions avec la Chine continentale. Le futur de Taipei imaginé par les cinéastes est libre, autonome et sans internet, point central pourtant du contrôle Chinois. A l’inverse du cinéma Hongkongais qui ne cesse de tomber sous l’emprise du continent, le cinéma Taïwanais ne cesse de rayonner et tente de s’affirmer comme la nouvelle vague d’audace que l’on attribuait autrefois à Hong Kong. Peut-être cela ne mènera nulle part, peut-être ce sera une référence pour l’avenir, mais pour le moment on est bien heureux de voir débarquer As We Like It et son imaginaire si séduisant.

4.5