Jung Yu-mi et Gong Yoo répondent aux attaques misogynes contre Kim Ji-young : Born in 1982

Le film adapte un roman best-seller féministe de Cho Nam-joo.

Photo par News-paper.co.kr

Le film Kim Ji-young : Born in 1982 sortira le mois prochain en Corée du Sud, mais sa promotion n’est pas de tout repos. En effet, une conférence de presse s’est tenue le 30 septembre à Séoul pour parler du film et de sa sortie prochaine, mais le sujet a vite dérivé vers la controverse qu’il suscite et poussé Jung Yu-mi et Gong Yoo à s’exprimer sur le sujet, comme le rapporte le média coréen Naver.

Le thème du film au centre de la controverse

Adapté d’un best-seller féministe (plus d’un million de ventes) de l’autrice Cho Nam-joo, le film avait ses détracteurs avant même son tournage. Le livre était en effet déjà au centre de la tourmente à sa sortie en 2016, avec des critiques très virulentes venant d’hommes qui affirment que ces positions féministes nuisent à la société. Cho Nam-joo se révèle effectivement très critique de la société coréenne et la place des femmes, elle y raconte la difficulté pour une mère célibataire de se faire une place dans sa famille alors que peu importe ses accomplissements, les hommes seront toujours mis en avant. Mais aussi la voix des femmes que l’on supprime dans la société, où leurs pensées et avis ne sont jamais pris au sérieux. Elle parle également d’avortement, de harcèlement sexuel ou encore du « Molka, » ce scandale qui a touché la Corée du Sud ces derniers mois, où le pays découvrait avec stupéfaction que beaucoup de toilettes pour femmes ou encore de cabines d’essayages étaient infestées de petites caméras placées par des voyeurs. Le roman de Cho Nam-joo faisait un état des lieux amère de la Corée du Sud, qui reste encore très conservatrice.

En bref, il s’agit d’un livre engagé qui a su séduire de très nombreux lecteurs et lectrices, parmi lesquelles des célébrités qui ont subi des vagues de commentaires haineux insultants sur les réseaux sociaux chaque fois qu’elles ont mentionné le livre. On pense par exemple à Irene, membre du groupe de K-pop RED VELVET, qui s’est retrouvée dans la tourmente lorsqu’elle avouait avoir lu le livre. Certains spectateurs disent sur les réseaux sociaux qu’il faut boycotter le film, affirmant qu’il « oppresse » les hommes et généralise la société coréenne, et allant même jusqu’à contredire l’existence d’une société patriarcale qui avantage les hommes en prenant le service militaire en exemple, dont le caractère obligatoire pour les hommes, et pas pour les femmes, serait une preuve que le patriarcat n’existe pas. On note également des critiques qui tentent de moquer l’héroïne du bouquin, transformant le titre original en « Kim Ji-young, (weighing) 82kg » histoire d’ajouter une petite note de grossophobie à la misogynie ambiante.

Néanmoins, le livre a su intéresser au-delà du public féminin. C’est en effet devenu un véritable symbole politique : d’abord comme porte-étendard de la lutte contre le patriarcat en Corée, un pays qui reste timide face aux mouvements féministes tels que « #MeToo, » puis avec des politiciens qui se sont empressés de s’emparer du phénomène, à l’image du socialiste Roh Hoe-chan qui, peu de temps avant son décès en juillet 2018, disait avoir offert le livre au Président Moon Jae-in.

Jeong Yu-mi et Gong Yoo prennent position

Les deux stars du film ont bien dû s’exprimer à l’occasion de cette conférence de presse. L’actrice principale elle-même avait d’ailleurs subi de nombreux messages de haine lorsqu’elle a été annoncée dans le rôle principal. Mais elle dit qu’elle n’en a pas grand-chose à faire, et qu’elle ne s’intéresse qu’au film ; « Je savais juste qu’il s’agissait d’un roman. Je n’ai découvert l’histoire qu’en lisant le scénario. Il y a eu beaucoup de critiques quand j’ai accepté le rôle, mais c’est notre travail de créer et raconter les histoires que l’on veut montrer au public. » Mais ce qui l’intéresse avant tout c’est la manière dont le personnage l’a poussée à se remettre en question, « Je ne suis pas mariée et je n’ai jamais élevé d’enfant, » explique Jung Yu-mi, « plutôt que de m’identifier au personnage, j’ai pensé à mon entourage. Je me suis sentie désolée d’avoir peut-être ignoré leurs problèmes en prétendant être trop occupée. Je voulais comprendre ce qu’elles ressentent en incarnant ce personnage. »

Les critiques elles n’inquiètent pas beaucoup l’actrice, qui a préféré se concentrer sur le film. Jung Yu-mi explique que les critiques ne lui ont mis aucune pression particulière, et qu’elle préférait se focaliser sur le tournage, à l’image de son partenaire à l’affiche. Gong Yoo explique, « j’ai accepté d’y participer sans me poser trop de question. Après avoir lu le scénario j’ai beaucoup pensé à ma famille. C’est rare que je pleure en lisant un scénario, mais c’est arrivé avec celui-ci. (…) J’ai appelé ma mère parce que je voulais la remercier. La remercier de m’avoir élevé, et même si elle avait l’air confuse, elle était contente et s’est mise à rire. » L’acteur conclut en disant l’importance de ce type de film. « Il n’y avait aucune raison d’hésiter. Je pense que c’est un film important pour les gens de la génération de mes parents, de ma propre génération et la future. »

Le cinéma, à l’image de la littérature, est source d’avancées sociétales et de réflexions. On est à une période charnière où le cinéma occidental essaie péniblement de se remettre en cause, d’abord avec le mouvement hollywoodien « #MeToo, » puis avec des remises en question qui apparaissent ici et là. On pense notamment au cinéma français qui fait un peu plus de place depuis deux ans à des réalisatrices qui n’auraient pas nécessairement eu la même attention du public et des producteurs dans le passé. C’est évidemment positif de voir que des producteurs coréens s’essaient également à parler de féminisme, en laissant l’actrice Kim Do-young aborder un sujet qui la concerne directement pour sa première expérience en tant que réalisatrice, quitte à subir la foudre de personnes qui ont du mal à accepter que la société puisse évoluer. Et c’est bien le plus désolant ; les réactions épidermiques et extrêmement violentes que provoquent le film traduisent une difficulté à admettre les critiques et l’idée que des femmes puissent avoir voix au chapitre.

Sur une note plus légère, on note que le duo formé par Jung Yu-mi et Gong Yoo fonctionne très bien au cinéma ; à l’affiche du très grand et lui aussi engagé Silenced en 2011, puis avec le populaire Dernier Train pour Busan en 2016, les deux se retrouvent une troisième fois dans un film d’un genre complètement différent.

Pour aller plus loin sur le sujet :

http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20180327000799

https://en.yna.co.kr/view/AEN20190926008300315