Critique : Marlina : La tueuse en 4 actes de Mouly Surya

Réalisation
Mouly Surya
Pays
Indonésie
Notre score
3.5
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L’histoire : Au cœur des collines reculées d’une île indonésienne, Marlina, une jeune veuve, vit seule. Un jour, surgit un gang venu pour l’attaquer, la violer et la dépouiller de son bétail. Pour se défendre, elle tue plusieurs de ces hommes, dont leur chef. Décidée à obtenir justice, elle s’engage dans un voyage vers sa propre émancipation. Mais le chemin est long, surtout quand un fantôme sans tête vous poursuit.

Marlina la tueuse en 4 actes de Mouly Surya a été présenté à la quinzaine des réalisateurs en 2017, a remporté le grand prix au Tokyo fimex, et le prix de la meilleure actrice à Stiges 2017. Ce film indonésien est disponible en combo Bluray dvd chez Spectrum films.

Marlina est de prime abord un film de vengeance et un hommage aux westerns, deux genres très masculins dans l’histoire du cinéma. Marlina, lui est réalisé par une femme, et raconte la vengeance d’une femme. On enlève l’aspect testostérone classique de ce genre de récit pour dévoiler une humanité, et surtout dresser le portrait d’une femme, forte par la force des choses, car ayant perdu mari et enfant, elle s’occupe toute seule de la ferme. Seule, au beau milieu de paysages de western sur l’île de Sumba, et enfin seule quand une demi douzaine d’hommes viennent chez elle pour lui prendre tout ce qu’il lui reste, et la violer.

Marlina ne tremble pas quand le chef du gang vient la voir, pour la menacer et lui annoncer ce qu’il va se passer. Mouly Surya parvient à installer une tension palpable et une dose d’effroi sans qu’aucune violence ne jaillisse à ce stade. Le chef de gang est un vieillard qui parle posément. Marlina l’écoute sans trop réagir, comme acceptant son destin, mais l’autre force de cette scène, c’est qu’elle se passe devant la corps momifié de son mari, qu’elle n’a pas pu encore faire enterrer faute d’argent. Marlina est veuve, totalement seule, promise à un destin funeste.
Attention spoil, à la fin de ce premier acte, Marlina aura perdu tout son bétail, aura été violée, mais aura réussi à se débarrasser de la majorité du gang. Elle compte aller à la police en apportant la tête du chef comme preuve. Le 2e acte se veut un voyage initiatique de Marlina en quête de justice se promenant avec une tête sous le bras…l’image est marquante. Elle rencontrera une voisine esseulée également sur le point d’accoucher, et en ville, la police composée uniquement d’hommes, ne semblent pas prendre la mesure de ce qu’il s’est passé. Il faudrait un mois pour faire arriver un examen pour prouver le viol, et Marlina décide de ne pas avouer le meurtre des 5 hommes car elle perçoit bien que cela va se retourner contre elle. Seulement encore 2 hommes du gang sont vivants et à sa recherche…

Ce qui marque dans ce film, c’est avant tout la prestation de Marsha Timothy qui interprète Marlina. Elle intériorise tout, les émotions passent à travers son regard. Elle rend son personnage à la fois fort mais tellement humain. Ici pas d’acrobatie, pas de gunfight, c’est à travers sa volonté, et sa dignité qu’elle cherche à obtenir vengeance et justice.

La réalisatrice Mouly Surya sait doser la tension avec talent. Sur la forme, la lumière, les grands espaces, on sent l’influence des westerns américains et italiens, de Leone bien entendu mais pas seulement. Il y a une dimension onirique et obsessionnel dans son film, avec les scènes du corps du chef qui la poursuit en jouant de la mandoline. Comme le personnage de Marlina n’est pas une super héroïne, il n’y a pas à proprement parler de scènes d’action, donc pas d’accélération dans le rythme ou montage. C’est peut-être le petit défaut du film, un penchant trop prononcé pour la lenteur. Autant le dire, l’affiche sur la jaquette du bluray ne donne pas envie et ne rend pas du tout hommage à la qualité esthétique du film. La photographie révèle une lumière et des paysages montagneux magnifiques, propres à l’île de Sumba, les compositions de plans sont très travaillés.

Sur le fond, Mouly Sourya, réussit à parler de femmes esseulées dans un univers d’hommes, dans la campagne indonésienne. Le film n’est pas un documentaire mais on se laisse à imaginer qu’un commissariat de bourgade au fin fond d’une île peut effectivement ressembler à ça, avec des policiers méprisant la gravité d’un viol sur une femme. Mouly Sourya parle à la fois de deuil, de mort, de (re) naissance, de solitude, d’oppression, mais à travers des scènes claires et simples, sans pathos, elle nous emmène dans son portrait de femmes qui va survivre dans ce déchainement de violence et devoir en arriver aux pires actes. Ici ce n’est pas un revenge movie à l’américaine, où la violence est exahltée comme élément de divertissement, dans Marlina la violence se révèle réaliste et effrayante.

En conclusion, on ne saurait que trop vous conseiller de découvrir ce film étonnant, très maîtrise sur le fond comme sur la forme. Le dernier film indonésien connu dans nos contrées est The raid, et bien Marlina en est l’anti-thèse absolue. Ce n’est de tout façon pas le même public visé, mais il est intéressant de voir les deux types de cinéma que l’Indonésie peut nous apporter. Juste pour la prestation et la découverte de Marsha Timothy, il faut voir ce film.

Marlina : La tueuse en 4 actes
Au cœur des collines reculées d’une île indonésienne, Marlina, une jeune veuve, vit seule. Un jour, surgit un gang venu pour l’attaquer, la violer et la dépouiller de son bétail. Pour se défendre, elle tue plusieurs de ces hommes, dont leur chef. Décidée à obtenir justice, elle s’engage dans un voyage vers sa propre émancipation. Mais le chemin est long, surtout quand un fantôme sans tête vous poursuit.
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3.5
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