Critique : Le grondement de la montagne de Mikio Naruse

L’histoire : Dans les années 50, à Kamakura, la vie d’une famille japonaise bourgeoise vivant sous le même toit, composée des parents, du fils dans la quarantaine qui travaille avec son père et de sa femme.

Le grondement de la montagne ainsi que quatre autres films de Mikio Naruse se retrouvent édités en Bluray chez Carlotta.

Le grondement de la montagne adapté de Yasunari Kawabata, sort au Japon en 1954. Il narre la vie de cette famille japonaise traditionnelle dont les enfants adultes vivent en compagnie des parents. Naruse avec cette adaptation ausculte le fonctionnement de ce type d’organisation familiale, pour sonder l’intime, et la complexité des rapports humains entre générations. Shingo (So Yamamura), le père, semble apprécier plus que de raison et vouloir protéger sa belle fille Kikuko (Setsuko Hara), tandis que celle-cie est délaissée par son mari Shuichi (Ken Uhera) et que Fusako, la sœur de Suichi revient dans la maison familiale avec ses deux enfants car en instance de divorce.

Dès le début du film, on comprend que la relation entre Shingo, le père, et Kikuko sera centrale, dans cet enchevêtrement de non dits, de tensions, et de rapports complexes intergénérationnels. Dans le grondement de la montagne, pas de crise ouverte, pas de déchirement démonstratifs, mais un bien un grondement, lent et lancinant, il y a quelque chose dans cette famille qui ne va pas, et qui pourrait mener au délitement complet de la cellule familiale. Kikuko ne s’affirme pas, elle est délaissée par son mari, accomplit toutes les taches ménagères, elle est comme emprisonnée, devant faire face comme si de rien n’était. Shuichi n’a jamais de geste tendre envers elle, et la trompe de plus en plus ouvertement, le père étant au courant, souffre la situation pour sa belle-fille. A cela se rajoute Fusako qui jalouse Kikuko car elle dit avoir été mal aimée de son père.

Naruse nous plonge au cœur de l’intimité de cette famille, dans les moindres détails, par touche minimaliste, décrivant avec précision les tensions, les frustrations comme quand Shuichi qui dira que sa maitresse est un torrent, sa femme un lac. Kikuko, enfermée dans cette famille, non sans amour, car choyée par le père, ne peut mener une vie de femme de son âge.  Par exemple elle n’est pas encore mère, mais ne souhaite pas le devenir avec son mari au vu de la situation. Kikuko renoncera-t-elle à avoir une vie de femme ? Le père comprendra t il que cette composition familiale est bousculée par des mœurs modernes et n’est plus réellement viable ? La scène finale dans un parc, entre Shingo et Kikuko, d’une simplicité frappante, n’en demeure pas moins émouvante.

En conclusion, Le grondement de la montagne est un film intimiste, marqué par son temps, et à la fois moderne car traitant des sujets peu communs pour l’époque comme le divorce ou l’avortement. Naruse dépeint avec délicatesse les troubles de ce fonctionnement familiale traditionnel, montrant la souffrance que cela génère, le fossé qui sépare inexorablement les générations.  On retiendra ce portrait de femme, Kikuko (remarquablement interprétée par Setsuko Hara), et ce sentiment naturaliste d’être plongé au cœur de cette famille en délitement. Du grand cinéma intimiste.

Le grondement de la montagne est à découvrir avec quatre autres films : Au gré du courant, Quand une femme monte l’escalier, Une femme dans la tourmente, et Nuages épars, dans le coffret de Carlotta, qu’on vous conseille vivement pour découvrir un des cinéastes japonais les plus intéressants de son époque.

Le grondement de la montagne de Mikio Naruse
Note des lecteurs0 Note
4.5