Chronique manga : Yawara! T.2 de Naoki Urasawa

Il y a quelques mois Kana se lançait dans l’édition de Yawara!, un des tous premiers mangas de Naoki Urasawa. Publié entre 1987 et 1993 au Japon, le premier tome pointait le bout de son nez en France en fin d’année dernière. On y découvrait une histoire pleine d’humour, où la jeune Yawara tentait par tous les moyens d’échapper au destin de Judoka à succès tout tracé par son grand-père. Ce deuxième tome est l’occasion d’approfondir les pensées et les intentions des différents protagonistes.

Synopsis :
« Depuis toute petite, Yawara Inokuma a été entraînée par son grand-père Jigorô Inokuma, un champion de judo, qui voit en elle une future star de la discipline. Il a été annoncé que les JO de Barcelone accueilleraient enfin la discipline féminine dans la compétition. Jigorô rêve donc de faire de sa petite-fille la première championne olympique féminine de judo. Mais contrairement aux attentes de son aïeul, la jeune fille ne rêve que de mode, d’amour, d’idol… Bref, elle n’aspire qu’à une vie d’adolescente ordinaire, loin des entraînements et des compétitions. Mais c’est sans compter son talent inné pour le judo, que son entourage ne lui permettra pas d’oublier…! » (éditions Kana)

© Kana 2020 Urasawa

Si ce deuxième tome cherche avant tout à développer ses personnages, notamment les secondaires, il s’avère être aussi plus porté sur l’humour que le précédent. Moins potache, plus sincère, même si on n’évite pas un nouveau personnage « pervers » qui instille plus de malaise que de rire, le deuxième tome de Yawara! trouve le juste milieu entre dérision et enjeux de son histoire. La libération approche pour la lycéenne qui trouve le moyen d’échapper à l’emprise de son grand-père, et cela permet paradoxalement de révéler la volonté plus profonde de différents personnages qui l’entourent. Ce qui est intéressant, c’est que ce deuxième tome met les personnages face à leurs contradictions, et surtout face à leurs intérêts divergents. Il faut bien comprendre que Yawara! raconte le destin extraordinaire d’une judoka, et que cela implique un entourage qui tente de se rapprocher d’elle par pur intérêt personnel. Alors Naoki Urasawa n’hésite plus à maltraiter ces personnages parfois malintentionnés, comme le journaliste qui cherche le scoop, mais surtout l’entraîneur qui y voit l’opportunité de vivre par procuration la carrière qu’il n’a jamais eu, ou des directeurs d’universités qui rêvent de faire briller leurs établissements en attirant la sportive chez eux. L’auteur ridiculise ces personnages, qui apparaissent obnubilés par leurs propres intérêts et qui font preuve de bien peu de compassion pour une jeune femme qui aimerait simplement être libre.

La notion de liberté est centrale à ce deuxième tome, même si Naoki Urasawa l’exprimait avec des clichés pas toujours finauds. Mais cette notion porte une histoire intéressante, bien que l’on reste face à une œuvre qui se cherche, un manga qui prend son temps et qui cache encore beaucoup de choses. C’est agréable à lire, bien que le manga soit toujours victime de son époque et d’une misogynie très marquée. Yawara! est toutefois un des quelques mangas de la fin des années 1980 qui mettait en scène une femme en personnage principal avec une certaine bienveillance, en ne l’envisageant pas uniquement sous le prisme de la sexualisation. Yawara est en effet une héroïne intéressante, plus mature dans ce deuxième tome, qui apprend à s’affirmer et s’opposer à son grand-père. Comme une sorte de quête initiatique sortie d’un shônen, son destin passe par la recherche d’une certaine ambition, une certaine force qui lui permet de passer outre les commandements de son entourage.

On est évidemment curieux de voir où ira le manga par la suite, mais le charme des dessins d’antan, sa bonne dose d’humour et l’attachement ressenti pour Yawara font déjà le boulot. Le manga est un petit bout d’histoire qu’il est plaisant de lire et de découvrir, avec la firme volonté de voir où tout cela mènera l’héroïne.