Chronique manga : Cigarette and Cherry T.3 de Daishiro Kawakami

Nous découvrions récemment les deux premiers tomes de Cigarette and Cherry, un manga paru chez Kana. Celui-ci s’ouvrait à la manière d’un manga à sketchs, racontant les râteaux pris par un jeune étudiant, dépeint comme un « loser », en tentant de séduire une jeune femme. Le manga parvenait à éviter de nombreux écueils puis se réinventait dans son deuxième tome, délaissant le côté sketchs pour enclencher véritablement son intrigue. On était évidemment curieux de voir ce qu’il en serait de la suite, avec ce troisième tome sorti le 27 novembre dernier.

Synopsis de la série :
« À peine arrivé à l’université, un jeune homme encore vierge s’est promis de trouver une petite amie. C’est alors qu’il fait la connaissance d’une sublime étudiante plus âgée que lui. Mais la senpai repousse toutes les tentatives d’approche de ce kôhai déterminé mais complètement inexpérimenté, qui tire son peu de savoirs de livres de drague. La cause est-elle perdue d’avance…? » (Kana)

La fin du deuxième tome nous laissait craindre à un abandon complet du côté manga à « sketchs », et c’est quelque chose qui se vérifie rapidement. Désormais notre héros s’est fait embaucher dans le café où travaille la femme dont il rêve, enclenchant de fait une nouvelle dynamique pour le manga. En véritable « tranche de vie », Cigarette and Cherry se met à nous raconter le quotidien de ses deux personnages, puis trois et quatre avec une collègue et le gérant du café. Les tentatives de séduction sont remplacées par un ton souvent plus sérieux, presque même plus dramatique, alors que l’on commence à mieux cerner l’héroïne en revenant sur son passé. Le milieu du troisième tome s’évertue en effet à raconter d’où elle vient, ses débuts à l’université et ses ambitions. Cela permet à l’intrigue d’évoluer très rapidement et ne surtout pas s’embourber dans une routine que semble vouloir éviter à tout prix Daishiro Kawakami. L’auteur multiplie les situations et tranche complètement avec sa première approche dans la relation entre ses deux personnages, instillant plus de sensibilité, quitte parfois à mettre l’humour de côté.

© 2020 Kana / Daishiro Kawakami

Il ne rechigne toutefois pas à insuffler cette dérision propre à la série. Alors que les personnages gagnent en profondeur, jouant sur les émotions plus que le rire, l’auteur ne perd pas de vue ses bons mots et son comique de situation qui permet souvent de désamorcer des situations qui pourraient avoir plus de mal à passer sans cela. Son héros est d’ailleurs toujours aussi souvent ridiculisé pour son comportement au mieux immature, et souvent incorrect, mais il le fait « grandir » pour lui faire comprendre ses limites et celles des gens qui l’entourent. Dans l’ensemble, c’est un tome bien équilibré entre les deux facettes de son histoire : l’improbable tentative de séduction d’un côté, et le quotidien parfois compliqué d’étudiants qui tentent de s’affirmer.  

Outre la narration efficace, les dessins gagnent en densité, avec plus d’importance accordée aux décors, ce qui tranche encore une fois avec celle du premier tome où les décors étaient un peu vides. La mise en scène des situations en profite d’ailleurs largement puisqu’on sent que Daishiro Kawakami a gagné en assurance, explorant de nouvelles manières de raconter ses personnages. Il brille d’ailleurs parfois sur quelques cases sans texte, où l’action n’a pas besoin de mots pour transmettre les bonnes émotions. 

Cigarette and Cherry est toujours imparfait, tantôt très drôle, tantôt un peu lourdingue, mais il y a une constante : ses personnages sont attachants et leurs aventures ne cessent de renouveler l’intérêt. L’auteur ne cesse en effet de les faire évoluer, grandir, les ouvrir aux lecteurs pour mieux les comprendre, à tel point que les deux protagonistes du début n’ont plus grand chose à voir avec ceux de ce troisième tome. Il y a toujours quelque chose de familier, comme si on les connaissait, alors qu’ils vivent des doutes et des craintes qu’on a tous traversé dans notre jeunesse.