Critique : The story of Woo viet de Ann Hui

L’histoire :  Woo viet  (Chow Yun-Fat) un jeune réfugié vietnamien, quitte Saïgon sur un bateau de fortune en direction de Hong-Kong, sa porte d’entrée pour les États-Unis. Sa fuite tourne vite au drame lorsque la jeune femme qu’il rencontre dans le camp de réfugiés est kidnappée par un proxénète philippin. Woo Viet se tourne alors vers un destin de tueur à gages.

Retour sur une édition de Spectrum films qui continue son formidable travail de dénicheur de pépites du cinéma asiatique. Cette fois, c’est un des premiers films de Ann Hui qui fait l’objet d’une superbe édition combo Bluray/dvd,  The Story of Woo Viet (1981), avec en bonus le film Boat people, ainsi que des interviews d’Ann Hui elle-même, du producteur, et de critiques.

Pour l’instant, nous avons vu que The Story of Woo Viet, donc nous ne parlerons pas du film Boat people.

Le contexte, dans le milieu des années 70, les réfugiés nommés « boat people » fuient leurs pays respectifs (Vietnam, Cambodge, Laos) à travers des embarcations de fortune pour essayer de trouver un avenir meilleur dans des pays plus ouverts que les dictatures en place chez eux. Pour information, la France accueillera une partie de ces réfugiés qui constituera la première vague d’immigration asiatique  fin des années 70, début 80. The Story of Woo Viet prend place à Hong kong au début des années 80, qui accueillait beaucoup de boat people dans des conditions terribles.

La réalisatrice nous montre le parcours de Woo viet, combattant Viet-minh fuyant le régime communiste, qui débarque à Hong kong espérant trouver la liberté, mais qui en réalité va se retrouver dans un camp « purgatoire », avec des agents gouvernementaux (ou tueurs à gages) qui vont tenter de l’assassiner à plusieurs reprises. Avec l’aide de sa correspondante, il va obtenir de faux papiers pour tenter de fuir aux États-unis, avec une jeune femme Shum Ching (Cherie Chung) qui est dans la même situation.

Le trafic d’être humain va les détourner de leur rêve, Shum Ching étant vendue à un proxénète aux Philippines. Woo viet va alors tout essayer pour la libérer quitte à devenir tueur à gage pour la pègre locale.

Véritable drame humain, The Story of Woo Viet, nous plonge dans le chaos de la survie de ces boat people. La séquence d’ouverture fait froid dans le dos, dans l’embarcation qui amène les réfugiés à Hong Kong, une mère à bout de force, abandonne son nourrisson à la mer, sans même que les autres passagers ne réagissent… On reste stupéfait par cette scène mais d’autres moments très puissants dans le long-métrage vont nous la rappeler.

La réalisatrice adopte un style âpre, qui va à l’essentiel, sans fioriture, on est loin des films d’action Hong Kongais de cette époque. Le traitement de la musique par exemple est majoritairement intradiégétique, rares sont les moments où Ann Hui va utiliser de la musique pour forcer l’émotion. Le rythme du film est assez lent, et il y a pas mal de passages sans dialogues, où la tension est d’autant plus présente. Sur la mise en scène, la réalisatrice, tout en filmant souvent caméra à l’épaule, arrive à créer des plans marquants, comme le plan sur le visage de Chow Yun-Fat avec la lumière intermittente du train qui passe, où le magnifique plan de fin qui fait une boucle avec l’ouverture.

Les scènes d’action sont ultra réalistes, le personnage de Wu Yuet n’est pas traité comme un super héros, mais comme un ex combattant, il a des aptitudes pour se battre ou tuer, mais il n’est pas iconisé (comme dans le cinéma de John Woo), on a peur pour lui dans les scènes de tension.

La peinture des Philippines d’époque, est aussi très documentaire, un pays gangréné par la pègre où la traite des femmes dominent, les kidnappings d’enfants, etc.La 2e partie du film dans cet univers miséreux et cauchemardesque des Philippines, se pliera cependant à un canevas plus convenu, avec l’anti-héros qui essayera de secourir une femme devenue prostituée, on pensera évidemment à Taxi driver sorti quelques années plus tôt.

En conclusion, le film ne laissera pas indifférent, autant par son sujet fort et sa violence réaliste, que par son traitement à la fois documenté et poétique. Nous, on vous le recommande vivement, surtout dans cette superbe version HD. The Story of  Woo Viet est le second volet d’une trilogie commencée par The boy from Vietnam et achevé avec le film Boat people qu’on retrouve donc également sur cette édition combo Bluray/ dvd de Spectrum films.

 

 

 

 

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