Chronique manga : Le jour où j’ai décidé d’envahir la Terre T.1 et T.2 de Maiko Ogawa

Le jour où j’ai décidé d’envahir la Terre”, en voilà un titre curieux. Shōnen écrit par l’autrice Maiko Ogawa, le manga sort un peu des codes du genre en présentant un héros dépassé par les événements, impuissant face à l’envahissement tout à fait absurde de la Terre par une extraterrestre qui n’a pas vraiment l’air de savoir ce qu’elle fait. Les deux premiers tomes sont sortis en juillet 2020 aux éditions Ototo, la série étant terminée au Japon depuis 2018 au terme de quinze volumes.

HITORIBOCCHI NO CHIKYU SHINRYAKU 1 by Maiko OGAWA – ©2012 Maiko OGAWA

« Kōichi n’a qu’un rêve : reprendre le café de son grand-père une fois ses études terminées. Mais à peine arrivé sur le campus de son nouveau lycée, il est pourchassé et menacé par Ôtori, une drôle d’élève dotée de capacités physiques impressionnantes. Celle-ci prétend être une extraterrestre venue conquérir la Terre… D’abord incrédule, l’attaque soudaine d’une créature inconnue l’oblige à admettre qu’elle ne dit peut-être pas n’importe quoi. Si Kōichi veut sauver les siens, alors il doit promettre. Promettre qu’il conquerra la Terre à ses côtés. » (Ototo éditions)

Conquérir la Terre en compagnie d’une lycéenne mystérieuse qui révèle venir d’une autre planète, un programme bien étonnant pour le jeune Kōichi qui n’aspire qu’à une vie simple. D’autres rêvent de gloire, lui veut reprendre le café de son grand-père, suscitant l’admiration et l’excitation de ce dernier, qui lui apprend avec amour son métier. La rencontre avec l’extraterrestre nommée Ōtori est surtout une formidable occasion pour Maiko Ogawa qui insuffle dans son manga une forme d’absurde absolument savoureuse. Les situations s’enchaînent à un rythme effréné dans une course à la conquête de la planète quand bien même ni Ōtori, ni Kōichi n’aient la moindre idée de la marche à suivre. Mais c’est l’absurdité de cette mise en place qui rend l’histoire accrocheuse, car elle offre une bonne dose d’humour qui tourne en dérision ses personnages sans forcément se moquer d’eux : c’est leur insouciance qui fait sourire face à des situations qui se renouvellent sans cesse, alors que se trament en arrière-plan des enjeux importants qui relèvent, littéralement, de la survie de la Terre.

HITORIBOCCHI NO CHIKYU SHINRYAKU 1 by Maiko OGAWA – ©2012 Maiko OGAWA

Il y a par ailleurs une vraie douceur dans la relation qui unit les deux personnages, avec une touche d’innocence qui fait plaisir à voir dans un shōnen qui n’abuse pas de « fan service » pour caractériser ses protagonistes. Kōichi et Ōtori ont une jolie relation en incarnant tous deux des jeunes qui rêvent d’affirmer leurs personnalités, renversant d’ailleurs certains codes du shōnen. En effet le héros de l’histoire n’a pour le moment pas grand chose de l’élu qui va accomplir de grandes choses grâce à un entraînement fastidieux, il est au contraire plutôt maladroit et réalise rapidement son impuissance complète face à des enjeux qui le dépassent. Il remarque, dès le premier tome, qu’il ne peut pas accomplir grand chose par lui-même, pas plus que Ōtori l’extraterrestre dont la force est assez surestimée. D’ailleurs il y a une belle précision du trait qui sert pleinement les émotions des personnages, avec une expressivité des visages qui compense assez largement des environnements un tantinet vides lors de certains passages. On remarque aussi de superbes illustrations en début de chapitres, donnant une sacré identité à un manga qui impose son monde et son esprit dès les premiers instants. Toujours du côté des dessins, l’autrice apporte un dynamisme bien senti dans la mise en scène des quelques combats (dont un déjà mémorable dans un parc d’attraction) mais également des dialogues qui laissent toujours une place pour l’ironie et la répartie de ses protagonistes.

Alors certes, on aimerait peut-être  que l’intrigue en dise un peu plus sur les origines d’Ōtori, se contentant pour le moment d’un mystère assez épais autour de ses intentions et de sa nature. Le fil rouge reste énigmatique après ces deux premiers tomes, mais il y a quelque chose pourtant de très réussi. Un peu comme un manga type « tranche de vie », Le jour où j’ai décidé d’envahir la Terre nous emmène dans le quotidien de ses protagonistes en jouant aussi bien avec les codes du shōnen que des nombreuses histoires de héros et d’envahisseurs, à l’image d’un passage qui rend hommage aux Sentai avec beaucoup d’humour. C’est sans aucun doute une des nouvelles séries de l’année qui mérite vos deniers, les éditions Ototo proposant ici un manga malin et plein de bonnes idées.