Critique : True North de Eiji Han Shimizu

Réalisé par le nippo-coréen Eiji Han Shimizu, le film d’animation True North a été diffusé au Festival d’Annecy 2020 ce mois-ci. Dénonçant les horreurs des camps de travail érigés par la Corée du Nord pour museler toute forme d’opposition au régime, le film rapporte les témoignages de personnes qui ont fui le pays.

Synopsis :
« Après que son père ait disparu et que le reste de sa famille ait été envoyé dans un camp pour prisonniers politiques, tristement célèbre, en Corée du Nord, un jeune garçon va devoir apprendre à survivre dans des conditions difficiles, trouver un sens à sa périlleuse existence, et peut-être même s’échapper. » (Annecy 2020)

Le film s’ouvre sur une citation de Kim Il-sung, le fondateur de la Corée du Nord, avant de nous orienter vers les prémices de la narration : un TED Talk, ces conférences où des personnes plus ou moins anonymes viennent raconter leur histoire. Aujourd’hui, un réfugié nord-coréen qui explique ce qu’il a vécu dans son pays. Et nous voilà lancés dans l’histoire de True North : celle d’enfants qui se sont retrouvés à travailler dans un camp d’internement, pour la simple raison que leurs parents étaient soupçonnés de ne pas soutenir le régime. Des camps que le régime nord-coréen nie encore aujourd’hui, quand bien même les témoignages soient nombreux, des témoignages sur lesquels s’appuie le film pour tenter de raconter l’horreur du mieux possible.

Et il le fait plutôt bien dans son premier acte, avec de jolies idées de mise en scène où le film raconte la rapide mise au ban de la société de ceux qui contestent le pouvoir. La mise en scène est suffocante, comme si le piège se reformait peu à peu sur les protagonistes : les regards changent, les amis s’éloignent, les représentants de l’autorité apparaissent ici et là, au loin. Et puis un soir, on vient chercher cette famille et on l’embarque à l’arrière d’un camion militaire. Emmenés dans un camp, ils sont condamnés au travail forcé sans le moindre procès. A certains égards, l’innocence brisée par un camp d’internement rappelle le récit de George Takei dans on roman graphique « Nous étions les ennemis » : toutes proportions gardées, on retrouve les mêmes mécanismes de défense des enfants qui tentent de trouver une forme de « normalité » dans un premier temps, avant d’être brisés par la réalité. True North est particulièrement fort dans sa manière de construire ses héros : une mère avec son fils et sa fille, dont le destin brisé alimente l’horreur de camps inhumains.

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Malheureusement le film de Eiji Han Shimizu échoue là où il aurait pu faire la différence. A trop vouloir choquer les esprits par les images et les discours, le film perd toute sensibilité qui apporterait une certaine subtilité à ce qu’il raconte. Evidemment, c’est un récit glaçant qu’il est nécessaire d’écouter, de relayer et de comprendre. Mais permet-il à lui seul d’en faire un bon film ? La réponse est probablement non. Car l’ensemble est mécanique, délaissant souvent les émotions de ses personnages derrière des images d’une violence inouïe qui n’apportent pas grand chose au film.

D’autant plus qu’avec ses animations très datées, les visages quasi-inexpressifs et son style artistique assez peu réussi, on a du mal à entrer dedans et se connecter aux personnages. Au final, True North est plein de bonnes intentions mais ne parvient pas à hisser son style au niveau d’intensité de son histoire. Evidemment révoltante, celle-ci puise sa force dans un témoignage que l’on a envie d’écouter jusqu’au bout. Mais au-delà du récit, il reste un film d’animation assez peu intéressant où l’artistique est bien trop souvent oublié, ne se contentant que du strict minimum sans trop d’idées.