Critique : Judo Throw down de Johnnie To

Un film de 2004 mais une restauration 4K 2020

Notre score
3.5

Autrefois champion de judo, Sze-To a abandonné le monde du sport de manière inexplicable. Criblé de dettes, c’est un alcoolique sans avenir. Deux personnes atypiques qu’il vient de rencontrer croient en lui : Tony, passionné de judo et bien décidé à affronter l’ex-champion, et Mona, apprentie chanteuse qui rêve de percer. Sze-To va-t-il réussir à refaire surface ?

L’actualité de Johnnie To n’est plus ce qu’elle était dans les années 90/2000 où il était capable de produire et réaliser 5 à 7 films par an, aidé de Wai Kai Fai principalement. Le dernier film du maître Hong kongais sorti chez nous est Office, une comédie musicale passée inaperçue en 2017. Carlotta propose une restauration de Judo sur sa plateforme en attendant une sortie en physique au cinéma puis en DVD/Blu-Ray

Judo Throw down, lui s’inscrit dans cette époque ultra productive de To, entre PTU et Breaking News, entre Running on the Karma et Election, autant dire que du bon.

Johnnie To est un réalisateur insaisissable, maîtrisant autant l’action, la dramaturgie, le film noir, la comédie, la romance, ses inspirations sont nombreuses par exemple Jean-Pierre Melville d’où le film Vengeance (2009) initialement prévu avec Alain Delon pour rendre hommage au film Le samourai. Ici avec Judo Throw down, c’est un autre hommage que se permet le réalisateur en dédiant son film à Akira Kurosawa et à son premier long métrage : La légende du grand judo (1943).

Judo Throw down s’ouvre ainsi au son d’une chanson japonaise, la nuit dans un parc au milieu de la ville, un homme s’entrainant au Judo. Dès cette première séquence, on comprend que la direction du film va aller vers une intention décalée, poétique. Ce décalage se ressent dans les personnages, les 3 principaux ( Tony, Sze-To et Mona) sont des âmes décalées, en perdition, souhaitant atteindre un objectif absurde ou poétique même lors d’un combat de Judo. C’est là où le film fait fort, il ne décrit pas des combats de gros bras mais démontre l’accomplissement personnel d’un tel art martial.
Le film possède une liberté de ton assez déconcertante, oscillant entre scènes comiques (le casting de Mona, les défis avec le vigil), scènes plus violentes, introspection et grandiloquence comme la bagarre générale. Il a un côté nouvelle vague à ne pas en douter, a priori Johnnie To a pensé à Bande à part à certains moments avec son trio de deux hommes, une femme. Les scènes dans le bus ou du ballon rouge sont marquantes. En fait le film est une continuité de scènes quasi autonomes qui pour certaines ressemblent à des skectchs (le dîner sous fond de musique hawaienne, les interventions du fan du jeu Street fighter, la scène des toilettes) mais on ne sait jamais où ca veut nous emmener réllement, c’est peut-être le défaut du film étrangement, sa trop grande liberté…

Niveau mise en scène, on est dans du grand Johnnie To, la caméra virevolte, les cadres sont composés au millimètre, la photo est exceptionnellement colorée, dans un même plan, on aura droit à 3 ambiances lumineuses différentes, c’est du sucre pour les yeux ! La version restaurée que propose Carlotta donne l’impression que le film a été tourné hier en 4K, c’est magnifique !

Maintenant le film s’appele Judo, qu’en est il des scènes de judo ? Les séquences de Judo sont tout simplement bluffantes, superbement chorégraphiées, donnant une ampleur inattendue à ce sport. Le judo est a priori moins impressionant que d’autres arts martiaux mais Johnnie To a réussi à le mettre en valeur de bout en bout.

Le film nous montre des gens qui cherchent leur chemin, qui ont besoin de leur deux chaussures pour avancer…, mais aussi et avant tout d’amis qui croient en eux. Judo Throw down est une histoire humaine, avant d’être un film d’action ou de combat, donc si vous souhaitez voir un film d’arts martiaux classique, passez votre chemin, si en revanche, vous aimez l’inattendu et les films qui sortent des sentiers battus, alors n’hésitez pas à voir ce beau Judo Throw down car il vous surprendra quasiment à chaque scène.

Judo Throw down de Johnnie To
3.5