Toei Tokusatsu World Official : Toei lance sa chaine YouTube, tous nos conseils

Ce dimanche 5 avril, les studios Toei ont créé l’évènement lançant une chaîne Youtube dédiée au tokusatsu (productions à effets spéciaux) proposant les épisodes d’ouverture de près de 60 titres live et animés allant de 1960 jusqu’à la fin des années 1990. Comptant déjà 40 000 abonnés après 48 heures d’accessibilité, Toei Tokusatsu World Official renforce la passion des aficionados envers l’un des plus importants pourvoyeurs de super-héros et de robots géants de la pop-culture japonaise.

Un demi-siècle d’effets spéciaux.

Toei s’aventure sur le terrain du tokusatsu (contraction de « tokushu satsuei » = tournage spécial/effets spéciaux) dès 1958 en transposant sur grand écran les aventures de Gekko Kamen, protecteur enturbanné vêtu de blanc et champion de l’audimat.

Son créateur, Kôhan Kawauchi, est débauché par Toei pour développer ses premières séries de super-héros (Nanairo Kamen, Ara no Shisha). En 1960, le studio poursuit sur sa lancée avec National Kid, premier justicier volant de la télévision japonaise. Réagissant au succès d’Ultraman par les concurrents de Tsuburaya Productions, le producteur Tohru Hirayama est nommé grand ordonnateur du tokusatsu chez Toei.

Il produit Captain Ultra, première production à effets spéciaux en couleurs du studio, et Giant Robo, qui lance le genre mecha. En 1971, Hirayama s’associe avec le mangaka Shotaro Ishinomori (Cyborg 009) pour Kamen Rider, justicier à moto tourmenté qui consacre le « Henshin Hero » (« Héros transformable »). La série triomphe et donne lieu à de multiples déclinaisons (Kamen Rider V3, Kamen Rider X). Ishinomori développe de nouveaux héros solitaires (Kikaider, Inazuman) avant de proposer les premiers « escadrons » (ou Sentai) avec Himitsu Sentai Gorenger et J.A.K.Q. Dengekitai. En 1978, Tohru Hirayama propose son « Star Wars made in Toei » avec Les évadés de l’espace (réalisé par Kinji Fukasaku), suivi d’une série dérivée culte en France : San Ku Kaï. La même année, Toei entame un partenariat avec Marvel Comics, débouchant sur une série Spider-Man, où le tisseur – fait inédit dans le tokusatsu – pilote un robot transformable : Leopardon. Ce partenariat permet l’aboutissement du concept du « Super Sentai » avec Battle Fever J et Denshi Sentai Denziman.

Au tournant des années 80, Toei propose les Toei Fushigi Comedy Series, séries légères destinées à un public féminin ou familial à base de robots gaffeurs et de « Magical Girls ». Le concept de « Metal Hero » s’impose en 1982 avec X-Or (Uchu Keiji Gavan). Ce show avec le charismatique Kenji Oba est suivi d’une descendance directe (Sharivan, Shaider) et de plusieurs déclinaisons (Jaspion, Spielvan). En France, le « Super Sentai » arrivera en 1985 avec l’incontournable Bioman. Les années 90 voient l’émergence des « Rescue Heroes » et ses sauveteurs sur le qui-vive (Winspector, Solbrain, Exceedraft). L’année 1993 constitue un point de rupture avec Power Rangers, remontage à l’américaine  des « Super Sentai » par Saban Entertainment. Le succès de ce « détournement consenti » permet à Toei et Bandai de jouir de l’écoulement ininterrompu du merchandising. Dans les 2000 et 2010, Kamen Rider reprend de plus belle et les Super Sentai basculent dans l’ère numérique. Les escadrons colorés sont en fête en 2020 avec le 45e anniversaire d’Himitsu Sentai Gorenger. Nul doute que Toei prépare une célébration digne de ce nom pour le cinquantenaire de Kamen Rider, prévu en 2021.

Mode d’emploi.

Avec cette nouvelle chaîne, les passionné(e)s de la première heure peuvent redécouvrir en version originale plusieurs titres passés à la postérité chez nous : Message from Space (San Ku Kaï), Space Cop Gavan (X-Or) et Sharivan. Les héros de Shotaro Ishinomori (Kikaider, Robot Detective, Inazuman) et les « Rescue Heroes » répondent à l’appel. La mise à disposition de nombreuses Toei Fushigi Comedy Series permet de découvrir tout un pan inédit du tokusatsu en France. Toei enrichit sa proposition avec plusieurs anime mecha (Voltes V, Daimos, Combattler V), pour satisfaire les aficionados de robots géants. De nouveaux titres et épisodes devraient être mis en ligne chaque semaine. L’offre, dépendant des accords passés avec Toei, peut varier d’un pays à l’autre. Attention, les épisodes sont proposés en japonais avec sous-titres anglais optionnels.

Top 5 des titres à découvrir :

Pour celles et ceux sur le point de découvrir cette formidable caverne aux trésors, voici une sélection de cinq titres rares en nos contrées à (re)visiter.

Le plus corporate : National Kid (1960)

Matsushita Electric (future Panasonic) s’associe avec Toei pour promouvoir leur nouvelle marque : National. Chaque semaine, le jeune Ryusaku Hata/National Kid (Ichirô Kojima), ambassadeur immortel de la galaxie d’Andromède, combat les envahisseurs à l’aide de sa lampe-torche et sa radio National ! Le budget optimisé de National Kid permit à Toei d’investir dans un fond bleu pour créer des séquences de vol rivalisant avec la série américaine Adventures of Superman, qui triomphait au Japon. La qualité est aussi de mise sur les miniatures. L’engin spatial des vénusiens Incas est une véritable réussite.

Le plus gringo : Kaiketsu Zubat (1977)

Après l’assassinat de son ami Goro Asuka par l’organisation criminelle Dekkar, le détective Ken Hayakawa réclame le prix du sang. En se basant sur un modèle de scaphandre spatial élaboré par le défunt, Hayakawa conçoit le costume rouge de Zubat et pilote la voiture volante Zubat Car. A chaque épisode, Hayakawa neutralise – ou tue – les membres de Dekkar. Kaiketsu Zubat est l’un des concepts les plus violentes imaginés par Shotaro Ishinomori et Toei. Chaque épisode livre son lot de dommages collatéraux, de poches de sang éclatées, de jeunes femmes malmenées et d’enfants promis à une mort brutale. Hiroshi Miyauchi (Kamen Rider V3, Himitsu Sentai Gorenger, J.A.K.Q. Dengekitai) oscille magistralement entre décontraction et parenthèses introspectives. Une série fiévreuse et brutale réservée à un public averti.

Le plus casse-cou : Jaspion (1985-1986)

Après la conclusion de la trilogie « Uchu Keiji/Space Sherrif », Toei lance Jaspion (Juspion en japonais, contraction de « Justice » et « Champion ») où un jeune guerrier est missionné par le sage Ejin pour stopper le gigantesque Satan Gorth. Jaspion va parcourir les galaxies et se mesurer aux monstres géants du titan maléfique. Hikaru Kurosaki (Bioman) compose un trublion énergique toujours prêt à en découdre avec ses ennemis. Les machines sont signées Katsushi Murakami, célèbre concepteur de jouets pour Bandai et mecha-designer pour les séries Toei. Le look de Satan Gorth évoque d’ailleurs un certain Darth Vader. Au Japon, la série peine à s’imposer. Diffusé au Club Dorothée, Jaspion plie le genou face à Spielvan (avec Hiroshi Watari). En revanche, la série devient un phénomène de société au Brésil. Cette réjouissante combinaison de space-opera et de kaiju eiga doit être réhabilitée.

La plus « Girl Power » : Bishôjo Kamen Poitrine (1990)

Onzième « Fushigi Comedy, Bishôjo Kamen Poitrine (!!) est bien, malgré son titre sulfureux pour les oreilles françaises, destiné à un jeune public. L’altruiste lycéenne Yuko Murakami (Yûko Hanashima) se rend dans un temple isolé pour débuter sereinement la nouvelle année scolaire. Sensible à ses prières, un vieux gardien (le mythique cinéaste Seijun Suzuki) lui offre des pouvoirs magiques. Les Toei Fushigi Comedy Series dureront jusqu’en 1993, année où Sailor Moon imposera définitivement les « Magical Girls ».

Le plus biomécanique : Shin Kamen Rider (1992)

Pour célébrer les vingt ans de Kamen Rider, Toei produit un audacieux long-métrage V-Cinema pour adultes. Shin Kamen Rider est une étrange combinatoire entre L’Incroyable Hulk et La Mouche. Le motard Shin Kazamatsuri est sélectionné par un mystérieux syndicat pour servir de cobaye à une expérience consistant à créer des humains optimisés. Le Dr. Onazaki, lui injecte une substance à base d’ADN de sauterelle. Soumis à un stress intense, le jeune homme se transforme en mutant. Les séquences de transformations en animatroniques évoquent les épidermes pulsés des œuvres de David Cronenberg. Le design de Shin Kamen Rider est un croisement entre le héros d’Ishinomori et le Guyver crée par Yoshiki Takaya. Shin Kamen Rider est une surprenante anomalie mixant horreur urbaine, gore et érotisme.