« Comment j’ai créé Captain Tsubasa » : les souvenirs de Yōichi Takahashi

L’année dernière revenait sur le devant de la scène Captain Tsubasa, ou Olive et Tom lors de sa première sortie Française, grâce à un remake de la série animée. Un retour qui n’a fait que confirmer l’amour de la France pour un manga qui a accompagné tant de jeunes, y compris ceux qui sont aujourd’hui sur le toit du petit monde footballistique. Et cette œuvre est celle de Yōichi Takahashi, gamin à l’époque fan de baseball, qui regardait incrédule la popularité grandissante du football dans un pays qui n’avait même pas de club professionnel. En 2018, il sortait son autobiographie, plus précisément centrée sur sa jeunesse et ses inspirations qui ont menées à la création de cette œuvre au succès planétaire. Depuis le 6 février 2020, une traduction française est disponible aux éditions Omaké Books sous le titre Comment j’ai créé Captain Tsubasa, nous donnant l’occasion d’en parler.

Comment j’ai créé Captain Tsubasa de Yōichi Takahashi, Omaké Books, 18,90 euros.

L’amour du plus faible

La vie de Yōichi Takahashi débute à Tokyo, dans l’arrondissement de Katsushika en 1960. Le jeune homme est amateur de baseball, un sport qu’il admire avec son père, plutôt supporters des équipes les plus faibles tandis que beaucoup applaudissent les Giants, le meilleur club du moment. L’auteur insiste sur cette enfance paisible dans son autobiographie, car c’est ce qui a façonné l’histoire de Captain Tsubasa. Son amour du baseball est effectivement central : il raconte à quel point son intérêt pour les « petits » face aux « grands » du sport, prêts et déterminés pour se dépasser toujours plus, l’a incité à faire de Tsubasa Ozora, le fameux héros du manga, un simple inconnu qui va se dépasser jour après jour par le travail.

Mais le football n’était pas une évidence à l’époque au Japon, comme il le raconte, il n’y avait même pas encore de clubs professionnels. C’est avec la Coupe du Monde 1978 qu’il se découvre un intérêt pour ce sport encore très occidental : voir ces équipes nationales s’affronter en Argentine, dans quelques matchs retransmis au Japon, lui permettent de réaliser ce qui fait la force du football. Qu’il s’agisse de défenseurs implacables, d’une précision mordante, ou de ces attaquants qui font virevolter la balle en tentant de s’approcher de la cage adverse. Le sport en tant que vecteur d’émotions le fascine, tout comme les personnalités très diverses des joueurs de foot. Alors il va construire son histoire sur cette base, après avoir tenté d’écrire des mangas de baseball qui n’ont jamais eu le succès escompté.

Un cadeau aux fans

Au-delà de ses inspirations, Yōichi Takahashi revient également sur ses relations avec son éditeur au Jump (le plus grand magazine de prépublication de mangas), sur ses participations aux divers concours, ses bons moments et les moins bons. On se sent presque plongé dans le manga Bakuman qui racontait à l’époque les aventures de deux lycéens qui rêvent de se faire publier par le Jump, avec un auteur ici qui n’est pas si différent. Il a cette même détermination, quitte à mettre entre parenthèses ses études pour se faire publier le plus vite possible.

Mais bien que l’histoire et la vie de Yōichi Takahashi sont passionnants, permettant d’avoir un regard neuf sur son œuvre qui nous fascinait dans notre enfance, son autobiographie peine aussi à accrocher sur d’autres points. Le style du récit est parfois un peu hasardeux, on comprend vite que l’on a affaire à un mangaka plutôt qu’un romancier. Sans que cela soit nécessairement une violente critique à son encontre, on remarque que son style est concis, qu’il a parfois tendance même à se répéter, nous rappelant qu’une bonne autobiographie c’est aussi -au-delà des anecdotes- un auteur qui a un vrai sens de l’écriture. Sans pour autant dénigrer le style du mangaka, on a déjà lu des autobiographies plus littéraires, néanmoins il a le mérite de se lire facilement et très vite.

Enfin, comme un cadeau aux fans, les anecdotes sont entrecoupées d’illustrations du manga. Et c’est un vrai plaisir de se replonger dans cet univers qui nous a tant fait rêver. Les dessins d’époque viennent rythmer un récit qui nous pousse déjà à un beau retour dans le passé, laissant transparaître une forme de nostalgie de cette époque où tout était à inventer dans l’univers des mangas. Néanmoins l’auteur n’est pas si accroché que cela au passé, il regarde aussi vers l’avenir, et c’est le cas dans les dernières pages où il s’exprime exclusivement pour la version française. Un moment où il raconte son amour de quelques footballeurs français, et sa surprise chaque fois qu’un joueur d’aujourd’hui lui raconte que c’est son manga qui lui a donné envie d’aller sur un terrain. Yōichi Takahashi a créé une œuvre intemporelle et notre amour pour Captain Tsubasa est éternel.