Critique Kdrama : Love Alarm de Lee Na-jeong

Date de sortie
22/08/2019
Réalisatrice
Lee Na-jeong
Scénaristes
Cheon Kye-young ; Lee A-yeon ; Seo Bo-ra
Diffusion
Netflix
Notre score
3

Que feriez-vous si une application sur votre smartphone était capable de déterminer si, dans un rayon de dix mètres, il y a une personne amoureuse de vous ? Un monde étrange dans lequel vivent les jeunes gens de Love Alarm, tiraillés entre ce qu’ils pensent être un amour sincère et les desiderata d’une application à l’origine inconnue. Au-delà de l’aspect fantastique, la réalisatrice  Lee Na-jeong (Oh My Venus, Fight for my way) y trouve le moyen d’aborder une société régulée par les smartphones. Adapté d’un webcomic de Cheon Kye-young, le drama est produit et diffusé par Netflix.

Kim Jo-jo (interprétée par Kim So-hyun) est une lycéenne souriante et pleine de vie, une façade qui cache une vie difficile depuis la mort de ses parents. Bien qu’elle soit réfractaire à l’idée d’utiliser Love Alarm, une appli sur smartphone capable de déterminer si quelqu’un nous aime réellement, elle finit par se retrouver dans un triangle amoureux provoqué par l’application avec ses camarades Hwang Sun-oh (joué par Song Kang), beau jeune homme venant d’une bonne famille et son meilleur ami Lee Hye-young (dans la peau de Jung Ga-ram).

Love Alarm ne bouleverse pas les codes : romance lycéenne tout ce qu’il y a de plus classique, le drama rappelle bon nombre de ses prédécesseurs qui ont fait chavirer les cœurs en Corée. On est évidemment client de ces histoires d’amour à peine esquissées, avec comme originalité une application sortie de la folle imagination d’un obscur protagoniste. Cette appli devient le centre des débats, elle agite des lycéens en quête de popularité bien heureux de voir des dizaines de personnes venir gonfler leur nombre de prétendants. L’application enregistre effectivement le nombre de cœurs obtenus, mais ne donne pas leur identité : seul moyen de le savoir, s’arranger pour être seul avec l’élu de notre cœur et espérer que l’appli enverra une notification. Mais le revers de la médaille est une toxicité accentuée dans les couloirs du lycée : avec son lot de concours de popularité, les personnes sont jaugées, estimées et définies selon leur capacité à attirer les coeurs. Le harcèlement est de mise, soit pour les personnes que l’on n’aime pas, ou pour les autres qui ont osé tomber amoureux d’une personne trop belle pour elles. Il y a quelque chose d’extrêmement artificiel dans les relations lycéennes que le drama exploite très bien, en se servant de l’interface du smartphone la réalisatrice met une distance entre ses protagonistes afin d’appuyer sur le caractère presque mesquin de relations qui ne sont pas vouées à durer. Soit parce que les sentiments étaient artificiels, soit parce que les attentes étaient bien différentes entre les personnes qui étaient sincèrement amoureuses et celles qui ne voulaient que collectionner les prétendants.

Le héros incarné par Song Kang (vu dans The Liar and His Lover) a d’ailleurs tout du cliché du drama coréen : beau, désinvolte et riche, c’est un lycéen qui attire toutes les filles de son lycée. Sauf une évidemment, jouée par Kim So-hyun (vue dans Bring it on, Ghost), aussi intelligente que naïve. C’est quelque chose qu’on peut d’ailleurs aisément reprocher à Love Alarm, si son contexte est relativement intéressant et apporte une certaine fraîcheur au genre de la romance lycéenne, la série peine à développer des personnages qui cochent toutes les cases de clichés venus d’une autre époque. La jeune femme est nécessairement naïve, tandis que les deux hommes qui l’aiment sont nécessairement là pour la guider. D’autant plus que le drama ne parvient pas à éviter le phénomène de harcèlement qui caractérise beaucoup de relations du genre dans les dramas coréens, avec un héros qui poursuit partout l’élue de son cœur, avec obstination et parfois colère, jusqu’à ce qu’elle finisse par craquer en tombant amoureuse de lui.

Love Alarm esquisse tout de même une certaine critique des réseaux sociaux qui font et défont des relations amoureuses, de leur impact sur la vie quotidienne -et notamment des plus jeunes, elle dénonce le harcèlement qui a lieu dans bon nombre de lycées et la nocivité des concours de popularité. Mais l’ensemble reste souvent superficiel et naïf, alignant les idées pré-conçues sans trop se poser de questions bien qu’elle aurait pu aller un peu plus loin au moment d’aborder les origines de l’application et les motivations qui l’entourent. Heureusement, Kim So-hyun, Song Kang et Jung Ga-ram incarnent leurs personnages et leurs relations avec une alchimie certaine, permettant à la réalisatrice Lee Na-jeong de les mettre en valeur dans une mise en scène quelconque mais qui parvient tout de même à s’appuyer sur un bon travail esthétique.

On a d’ailleurs particulièrement apprécié la mise en scène de l’appli, transposée dans la réalité comme si ses utilisateurs étaient enfermés dans un cercle que seul les élus de leur cœur pouvaient pénétrer sereinement. Comme une opposition au harcèlement qui vient empiéter sur la vie privée de ses protagonistes, la mise en scène joue sur la sensation d’isolement ressentis par des lycéens qui, même pour les plus populaires, vivent en réalité chacun de leur côté sans véritablement créer de liens entre eux. On aurait quand même aimé que la série aille un peu plus loin, qu’elle soit plus incisive sur ce qu’elle tente de dénoncer afin d’accentuer son propos plutôt que de s’embourber dans une histoire d’amour que l’on a déjà vu des centaines de fois dans les dramas coréens.

Malgré toutes ses faiblesses, Love Alarm a tout de même le bon goût de nous séduire grâce à des acteurs et actrices qui nous rappellent nos doux rêves de lycéens, aussi lointains soient-ils. Souvent naïve, parfois superficielle, le drama esquisse tout de même quelques éléments intéressants sur les relations amoureuses et l’impact des réseaux sociaux dans un milieu où le harcèlement est omniprésent. Comme nous le disions précédemment, elle aurait pu aller plus loin, mais Love Alarm reste dans les clous et ne s’éloigne que très rarement des codes établis depuis longtemps dans les romances sur le petit écran en Corée du Sud. On doit tout de même avouer avoir été déçu par une fin abrupte, mais heureusement une deuxième saison a depuis été annoncée par Netflix et on espère que la réalisatrice Lee Na-jeong pourra aller plus loin pour développer son univers.

Love Alarm - Saison 1
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