Critique : Idol de Lee Su-jin

Les manigances d'un politique pour sauver sa carrière.

Date de sortie
20/03/2019
Réalisateur
Lee Su-jin
Notre score
3

En compétition à l’Etrange Festival 2019, Idol est le deuxième film de Lee Su-jin (à qui l’on doit Han Gong-ju.) Thriller dans la plus pure tradition coréenne, entre ses policiers pas bien malins et son anti-héros, le film nous plonge dans un enfer politique où il faut sauver les apparences coûte que coûte.

Koo Myung-hui (joué par Han Seok-kyu) est un politicien dont la carrière commence à prendre son envol. Jusqu’au jour où il apprend une terrible nouvelle en rentrant chez lui : son fils a renversé quelqu’un par accident. Ce qui n’aurait pu être qu’un accident se transforme en délit de fuite, et peu à peu, il découvre que d’autres personnes sont impliquées.

La situation initiale de Idol est « amusante », on a affaire à l’un de ces films où les personnages prennent des décisions terribles, entre un délit de fuite et un rétropédalage qui va pousser le politicien à livrer son fils à la police. Le problème c’est qu’il s’est passé deux jours entre l’accident et la dénonciation, et personne n’est prêt à avouer que le corps a été caché dans un premier temps. Mais au-delà de cette situation, le film retombe rapidement sur quelque chose de (trop) classique où l’anti-héros incarné par le politicien va enchaîner les mauvaises idées dès lors qu’il découvre qu’il y a un témoin, la petite amie incarnée par Cheon Wu-hee (que l’on a vu dans Han Gong-ju du même réalisateur, ou The Strangers de Na Hong-jin). D’autant plus que le père de la victime (Seol Kyeong-gu, vu récemment dans Memoir of a Murderer) pose un peu trop de questions, jusqu’à nous emmener sur des questions de société. Comme beaucoup de thrillers coréens, le film a une véritable portée sociétale : la question du traitement des immigrés chinois en Corée du Sud, de la prostitution et la peur d’aller voir la police même lorsqu’ils sont victimes. Avec un politicien et un travailleur pauvre, on a évidemment une réflexion assez classique sur l’opposition des puissants et des faibles, mais le film le fait avec beaucoup moins de talent que d’autres (comme Parasite de Bong Joon-ho cette année) tant ses gros sabots se font sentir. Pas très fin, le film pioche un peu partout sans trop se poser de question sur la pertinence et la cohérence de l’ensemble.

C’est d’ailleurs le principal reproche que l’on fait à Idol, qui ne nous a pas beaucoup convaincu. Très conventionnel, le film de Lee Su-jin fait la même chose que beaucoup d’autres thrillers coréens sans apporter grand chose de plus. Alors oui, il propose son lot de scènes « choc » (le plus souvent au détriment du fond), mais il n’assume jamais vraiment son orientation. Revenge movie ? Dénonciation politique et sociétale ? Horreur ? Le film emprunte un peu à tous les genres sans vraiment n’en maîtriser un, et si le mélange des genres a fonctionné pour Bong Joon-ho plus tôt dans l’année, le jeune Lee Su-jin peine à pleinement convaincre alors qu’il semble se prend les pieds dans le tapis à plusieurs reprises. A vouloir trop vouloir en faire, il se perd d’ailleurs dans un montage cryptique qui rend quelques séquences plutôt confuses avec des motivations parfois trop peu clairement établies, jusqu’à un grand final explosif où toutes les pièces du puzzle finissent enfin par s’imbriquer péniblement. Pourtant les bonnes idées sont là, son scénario est relativement solide et quelques dialogues bénéficient d’une intensité géniale.

Mais le film peine malgré tout à nous tenir en haleine pendant ses quelques 2h20. Symptomatique d’un cinéma qui ne cesse de s’allonger sans rien avoir à dire de plus, Idol tire en longueur des scènes pas toujours passionnantes. Pourtant, ce serait de la mauvaise foi de dire que rien ne nous a plu : si la réalisation n’a aucun éclat, elle n’en reste pas moins solide et nous offre un film plutôt agréable à regarder malgré son montage périlleux. Réussi visuellement, notamment dans son utilisation des petits espaces d’une ville qui étouffe ses protagonistes et la manière que le réalisateur a de filmer la nuit, le film se révèle plutôt malin lorsqu’il doit inquiéter ou susciter l’horreur. On parlera évidemment de la scène horrifique de l’hôpital qui est un point clé de l’intrigue, mais il y a aussi quelques confrontations où le réalisateur parvient à installer une ambiance vraiment terrifiante sans avoir recours à une violence trop facile.

D’autant plus que son actrice fétiche, Cheon Wu-hee, avec qui il travaillait déjà dans son premier film, livre une nouvelle fois une excellente prestation. Aussi intrigante qu’inquiétante dans le rôle d’une jeune chinoise qui tente de sauver sa vie, elle porte le film à bout de bras alors que son personnage est suffisamment épais pour susciter autant la curiosité que la sympathie. On note également le travail de Seol Kyeong-gu, en père meurtri par le décès de son fils qui cherche des réponses. Parfois émouvant, il forme un duo intéressant Cheon Wu-hee qui éclipse complètement le politicien incarné sobrement par Han Seok-kyu.

Idol est un bon thriller, ça ne fait que peu de doute. Mais il est si classique, si attendu et il ose si peu de choses qu’on a l’impression de l’avoir déjà vu des dizaines de fois. Les amateurs de thrillers coréens sont en terrain connu, et si ça peut être une bonne chose pour certains, on est restés sur notre faim et on aurait aimé un peu plus de folie. On aurait apprécié que le réalisateur prenne plus de risques et évite de reproduire un schéma utilisé par bon nombre de cinéastes avant lui. Toutefois, Lee Su-jin montre de belles qualités à la réalisation même s’il devrait porter un peu plus d’attention et de soin au montage hasardeux dont le film souffre parfois, tandis que Cheon Wu-hee est une actrice versatile qui ne cesse de nous épater.

Idol
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3