Critique : Le Serpent Blanc de Amp Wong et Zhao Ji

La réinvention d'une légende à la beauté presque irréelle.

Réalisateurs
Amp Wong, Zhao Ji
Date de sortie (Chine)
11/01/2019
Notre score
4.2

En compétition à l’Etrange Festival en ce moment, Le Serpent Blanc (White Snake) est un film d’animation chinois réalisé par Amp Wong et Zhao Ji. Il s’agit d’une nouvelle adaptation de la légende du serpent blanc, qui a déjà atteint le grand écran à plusieurs reprises par le passé notamment dans Green Snake (1993) de Tsui Hark. Cette fois-ci réalisée par le studio chinois Light Chaser Animation (à qui l’on doit Little Door Gods), la légende nous emmène dans une Chine en proie à une terrible guerre entre humains et démons.

Troublée par le démon qui vit en elle et alors qu’elle était sur le point d’assassiner le Général humain qui terrorise les démons, Blanca, le serpent blanc, perd la mémoire. Elle se retrouve dans un petit village humain et fait la rencontre de Sean, un chasseur de serpent qui a paradoxalement peur de ces créatures. Mais alors qu’elle retrouve peu à peu la mémoire et comprend qu’elle est un démon serpent, les choses deviennent bien plus compliquées pour elle.

Ce qui marque dès les premiers instants du film, c’est cette animation et ces tableaux à base d’encre de Chine. Comme pour émuler la grâce du mouvement des cheveux d’une héroïne venant d’un peuple pourtant décrit comme sanguinaire, le film nous met directement dans le bain d’un voyage aux visuels incroyables. Sa direction artistique est à tomber, entre ses environnements d’une finesse formidable, ses décors et costumes aux nuances de couleurs qui nous transportent dans un autre monde, et ses personnages colorés aux personnalités bien trempées. On pourrait s’attarder sur son héroïne qui tente de s’éloigner du mythe de la princesse en détresse, même si l’on n’évitera pas le sauvetage héroïque de son amoureux, mais Le Serpent Blanc brille particulièrement du côté de ses personnages secondaires. Le chien du chasseur est un élément comique assez facile mais particulièrement efficace, tandis que la sorte de démon au visage de « renard » apporte quelque uns des moments les plus réussis visuellement. On note par ailleurs un vrai travail sur le rythme et la mise en scène de l’action. Avec un arrière-goût de cinéma d’arts martiaux chinois, Le Serpent Blanc offre quelques moments qui étonnent par leur fluidité et des mouvements de « caméra » qui viennent dynamiser les combats. Des scènes d’action qui parviennent à allier les arts martiaux et la magie, pour un ensemble qui fonctionne toujours très bien.

Pourtant, si le film n’a cessé de nous charmer par sa direction artistique, il n’est pas toujours très heureux sur les expressions des visages des personnages. Un point de déception, d’autant plus que l’histoire joue énormément sur l’empathie que l’on se découvre peu à peu pour l’héroïne et son peuple. Mais cela ne l’empêche pas de nous émouvoir, avec un final bien maîtrisé qui vient conclure une légende riche et pleine d’enseignement. En effet, malgré des intentions assez classiques, le film dépasse le modèle du gentil et du méchant dans une véritable ode à la liberté et à la sagesse, alors que les humains et démons ont tant à apprendre les uns des autres. Sans partir dans des mièvreries, Le Serpent Blanc nous raconte un monde plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord, avec son lot d’intrigues qui laissent penser à un univers tiraillé par une politique dont le peuple est la première vicime.

Teinté d’innocence, le film dépeint pourtant une situation d’horreur (des démons, un Général sanguinaire, des villageois exploités et presque esclaves) avec une tendresse particulièrement touchante. La beauté de son univers n’y est évidemment pas étranger, mais c’est tout particulièrement la mise en scène de Amp Wong et Zhao Ji qui fascine. Le duo de réalisateurs profite en effet de la grandeur des décors qui rappellent très largement les curieuses montagnes de Zhangjiajie en Chine, et des nombreuses nuances de couleurs (costumes, végétation…) pour offrir des panoramas incroyables.

Alors certes, Le Serpent Blanc est très classique : le film d’animation raconte une quête initiatique, entre un jeune héros prêt à tout pour sauver celle que le monde rejette, et une héroïne en proie au doute qui doit retrouver sa mémoire, ses pouvoirs et sa raison. Mais comment rester insensible face à une beauté qui semble si irréelle ? La direction artistique du film n’est faite que de nuances et de sensibilités qui mettent en valeur une histoire d’amour facile qui ferait lever les yeux si elle n’était pas si bien racontée. L’harmonie de ses couleurs, la délicatesse de ses personnages et la pureté de son monde nous enivre et nous fait vivre pendant un peu plus d’une heure une aventure quasi-féérique où la sagesse ne réside pas là où on l’imaginait.

Le Serpent Blanc
Note des lecteurs2 Notes
4.2