Critique : The Poet de Liu Hao

TIFF 2018

Réalisation
Liu Hao
Pays
Chine
Notre score
4

 

Premier film présenté à la presse, The Poet du chinois Liu Hao s’annonce déjà comme l’un des favoris en compétition officielle pour cette 31ème édition du Tokyo International Film Festival (TIFF). Dans un contexte où depuis 1992 aucune grande star d’Hollywood n’est venue au TIFF et encore plus tristement ni Bradley Cooper ou Lady Gaga super star au Japon n’ont dédaigné venir alors que ‘’A Star Is Born’’ le film dont ils sont les héros est dévoilé nous pose des questions légitimes sur l’intérêt d’un tel festival.

Pour ce crue 2018, une grande place est faite au cinéma chinois. Ayant perdu son attractivité cinématographique, le Japon doit aussi courber l’échine face à son voisin, la Chine. Alors pour attirer des investisseurs, le TIFF s’est résolu à proposer plus de films venu de l’empire du milieu que par le passé.

Parti pris économique assumé, la présentation de The Poet est déjà marquée par sa justesse scénaristique, une photographie exceptionnelle, un jeu d’acteur brillant. Bref, c’est du grand art.

Liu Hao dépeint la société chinoise avec un prisme innovant et originale. Voir la transformation de la Chine, de sa révolution culturelle à l’économie de marché en s’intéressant à la vie d’un jeune couple interprété par la sublime Song Jia, et et le mélancolique Zhu Yawen.

Se situant dans l’ouest de la Chine sous un paysage désertique mélangé à la fumée de vapeur dégagée des usines d’extraction de charbon et de la suie sur la peau des milliers de travailleurs chinois, Lui Hao a eu l’intelligence de prendre le parti d’un intellectuel faisant le métier ultime : ouvrier.

Dans la propagande maoïste travailler comme ouvrier ou bien à l’usine est le summum de l’accomplissement de l’homme, chacun se nomment frère et sœur. Pourtant, fidèle à sa passion de la poésie, l’une des dernières traces de l’ancien monde, comprenez le régime impérial chinois, le héros va finir par s’élever hiérarchiquement et socialement grâce à son talent. Paradoxalement, c’est la tradition de la poésie chinoise qui va le faire passer d’un simple ouvrier à bicyclette au poste de directeur roulant en voiture.

Face aux demandes excessives des membres du parti pour la livraison de nouveaux poèmes, le héros, Li Wu fait face à une perte d’inspiration et de motivation. Sa femme, Chen Hui fera tout pour le maintenir à flot quitte à mettre en péril sa propre carrière et sa vie de couple.

Mélangeant des scènes d’érotisme à la dureté de la vie dans les mines chinoises, la magie s’opère et le spectateur est transporté dans cette histoire maîtrisée à la perfection. Liu Hao a su dirigé parfaitement ce couple dont son alchimie nous offre un rare moment de poésie cinématographique. Cet amour fusionnel voire métaphysique (il est dans la lumière, elle est dans l’ombre) se transforme en un drame social qui explique malgré la révolution culturelle et malgré le socialisme capitaliste, la nature humaine reprenant toujours le contrôle de ses instincts. Passion, jalousie, ambition ces traits sont constamment présents et sont le reflet d’une autre nature celle de la faune et la flore qui reprend également le contrôle de ses droits à la fin du film face à l’homme et sa folie industrielle (la destruction et le démantèlement de la mine et des maisons des mineurs.)

The Poet de Liu Hao s’annonce d’ores et déjà comme l’un des favoris du TIFF 2018. Un film à voir absolument pour tous les amateurs de cinéma ou pour tous les passionnés de la Chine.

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4