Critique : Une pluie sans fin de Dong Yue

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Il n’est jamais simple de résumer un thriller, surtout quand son réalisateur casse volontairement les codes traditionnels du genre et c’est exactement ce qu’il se passe dans une pluie sans fin de Dong Yue.

Dès les premières minutes on est frappé par la maîtrise du réalisateur. On rentre littéralement dans son monde et la pluie omniprésente tout au long du film est mise en avant de façon tout à fait remarquable, à tel point que si vous allez voir le film par un jour de beau temps, vous ressentirez une sensation de fraîcheur, pas seulement du fait de la climatisation de votre salle de cinéma.

Visuellement et avant même de parler de la trame du film, c’est tout aussi intéressant. La lumière est superbe et les imperméables des personnages qui se protègent de la pluie offre un rendu très intéressant à l’écran.

Passer ces premiers instants on plonge dans le film où on se retrouve devant une scène de crime tout à fait classique. Pluie battante, corps dénudé dans un champs et des milliers de suspect. On se dit alors qu’on est face à un thriller classique où notre héros va devoir enquêter pour trouver le coupable. Les minutes passent puis, petit à petit on comprend vite que le crime n’est que secondaire et c’est en fait une chronique sociale que nous offre le réalisateur.

Celle d’une Chine en plein changement qui se retrouve en 1997 face à ses villes fantômes et à sa population qui n’arrive pas à évoluer aussi vite que le pays. Une évolution à marche forcée où on abandonne des villes entières aussi facilement qu’une vieille chemise, au fur et à mesure que la raréfaction des ressources naturelle, surexploitée depuis des dizaines d’années.

Comme de nombreux chinois à l’époque, le personnage rêve d’une vie différente, que ce soit à Hong-Kong ou ailleurs, lui qui est agent de sécurité et auraient voulu être dans la police. Lui qui voit sa ville se transformer et son usine fermer. Lui qui s’imagine une vie qui semble lui échappée.

Yu Guowei, notre apprenti détective s’enlise dans la boue comme dans l’enquête qui devient pour lui une obsession. Allant toujours plus loin il suspecte tout le monde et n’a plus de limite pour découvrir le tueur. Ne voulant pas laisser la police se charger seule de l’enquête il se donne tous les pouvoirs, délaissant sa vie et ses proches, il sombre peu à peu, comme son usine qui ferme.

Au delà de cette enquête c’est sa vie qu’on voit lui échapper, son usine ferme et au lieu de prendre sa vie en main, de partir avec sa nouvelle compagne, il va toujours plus loin dans sa solitude. Comme sa ville, sa vie se désagrège et inéluctablement il se dirige vers le même destin.

Il est compliqué d’expliquer la fin du film de Dong Yue sans dévoiler toute la trame du film mais ce dernier réussi là un thriller socio-psychologique brillant. Un premier film pour le réalisateur et surtout un Grand Prix à Beaune 2018, justifié.

Une pluie sans fin de Dong Yue
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