Critique : Rage de Lee Sang-il au Kinotayo 2017

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4.5

l’histoire : Un an après un effroyable meurtre, le coupable court toujours. Dans plusieurs endroits au Japon, plusieurs personnes se trouvent dans des situations où peu à peu la confiance envers des personnes qu’elles connaissent depuis peu vole en éclat et le doute s’installe et la violence ne tarde pas à surgir.

Rage est un des deux thrillers présenté cette année au Kinotayo avec Gukoroku trace of sins. Mais Rage, bien que débutant sur une scène choc, exposant très bien le thriller, va s’en détourner quasiment aussitôt pour dépeindre la vie et la trajectoire de personnes ou de familles à trois endroits différents du Japon. En effet, le coupable du double meurtre qui ouvre le film a été identifié par ses empreintes, et il est recherché. Il a possiblement changé de visage et se serait donc fondu dans la masse. Le film ne va pas s’attarder sur l’enquête, c’est plutôt les relations entre les personnages qui va faire apparaître qui est le coupable.
Dans ce système, le thriller n’est qu’un prétexte, bien qu’amenant une tension certaine, et permettant de soutenir un suspense, le spectateur essayant de découvrir qui est le coupable… Rage traite vraiment des relations humaines, des faces cachés de chacun, de la confiance en autrui, de l’apparence et de l’appartenance sociale, allant même jusqu’à traiter du problème politique de la présence américaine à Okinawa de façon très violente, tant bien même qu’il apparaîtrait difficile pour ce film de sortir aux états unis, tant il est politiquement incorrect avec l’allié américain.

Dans ces trois lieux, trois rencontres, trois histoires, trois possibles coupables.
D’abord Tokyo, nous suivons un salary man gay qui rencontre un jeune homme lors d’une soirée, et le violera avant de l’inviter à diner… Lee Sang-il ne fait pas de concession sur ce qu’il montre  et dans la dureté des sentiments humains.
A Tokyo, le couple gay se forme, et petit à petit le salary man se demande si son compagnon n’est pas un marginal et la paranoïa arrivant, serait il le coupable ?
Dans cette partie de l’histoire, le réalisateur évoque surtout la difficulté d’être gay dans un japon qui n’est pas encore ouvert sur la question.

Deuxième lieu, le village de pêcheur, où un père ramène sa fille à la maison. Elle a un souci mental, et est allée se prostituer à Tokyo. De retour au village, elle rencontre un jeune homme qui vient d’arriver en ville et va vivre une histoire avec lui, mais le père commence à le soupçonner du double meurtre, ne croyant pas que sa fille malade puisse intéressée quelqu’un.

Troisième lieu, Okinawa, une adolescente aime aller à se promener sur une petite île abandonnée de l’archipel avec un ami de son âge. Elle va rencontrer une sorte d’ermite sur l’île et se lier d’amitié avec lui. Mais son entourage va se demander si il n’est pas aussi le coupable du double meurtre.
Le jeune garçon lui commence à tomber amoureux de l’adolescente, et développe une jalousie de sa relation avec le marginal.

Les trois histoires sont liées donc par la recherche du meurtrier mais plus encore par la description
sociologique des personnages et leur vie en marge du japon normé, que ce soit des homosexuels, une malade mentale, un marginal qui vit seul sur une île, Lee Sang il construit des personnages intéressants, avec des destins compliqués, et surtout des non dits qui vont se dévoilés peu à peu, comme l’identité du tueur.
Au final, ce qui est étrange avec Rage, c’est que le double meurtre d’ouverture, n’engage pas d’émotion, et véritablement d’intérêt, c’est une scène relativement classique qui renvoie au cinéma de genre donc assez irréel, en revanche, dans le segment Okinawa, une scène insoutenable va faire basculer le film dans l’horreur réelle… Ne lisez pas la suite si vous ne souhaitez pas découvrir ce qu’il se passe, mais il est important d’en parler pour l’analyse de ce film.
L’adolescente va subir un viol de la part de GI américains, et rien nous est épargné, un véritable cauchemar, glaçant du fait qu’il s’inspire de faits réels, rappelant le problème politique pour le japon, de la présence de dizaines de milliers de soldats américains à Okinawa.

A partir de cette scène, tout va s’accélérer, et les différentes histoires vont trouver des issus plus ou moins heureuses avec la révélation du tueur.

Les comédiens sont tous formidables, ce qui est généralement rare dans les films japonais récents, on croit à chaque personnage, et on est constamment troublé, en premier lieu par le jeu du « qui est qui », on imagine que chaque suspect peut effectivement être le tueur, et de deux, par la vérité des émotions qu’ils arrivent à véhiculer. Les adolescents sont exceptionnels.

La mise en scène est d’une rare intelligence, mais peut être que Lee sang il aurait pu nous épargner certains passages très violent, en contrepoint, peut être c’est aussi ce qui fait de Rage un grand film.

En conclusion, à ne pas vous méprendre, Rage n’est pas un thriller habituel et divertissant, d’ailleurs s’agit il seulement d’un thriller ? Oui car il y une histoire de meurtre en filigrane, mais non car le film sonde avant tout des âmes, des parcours de vie, tous différents, tous à la marge à leur façon, en abordant quelque chose de politique aussi. Lee Sang-il sonde la société japonaise, dans sa mutation, dans ses travers, dans ses envies, pour le pire et aussi pour le meilleur.
Rage comportent des scènes difficiles, intransigeantes, mais il s’agit avant tout d’un drame sur l’humain, désappointant et passionnant. Une distribution en France serait la bienvenue, car c’est du cinéma japonais qu’on est pas habitué à voir ici.

Rage repasse au Kinotayo à Paris le 12 novembre à 20h au cinéma le club de l’étoile, puis ensuite en province.

 

Critique : Rage de Lee Sang-il au Kinotayo 2017
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