[TIFF2017] Critique : Have a Nice Day de Liu Jian

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En ce jour d’Halloween, laissons place à un film qui ne fait pas l’apologie de l’horreur mais plutôt à une comédie noire digne des Frères Cohen avec leur mythique Fargo. Have a Nice Day, du chinois Liu Jian, est un film d’animation au format court, 74 minutes qui raconte l’histoire d’un jeune chauffeur, Xiao Zhang, travaillant pour une mafia locale paumée du Sud de la Chine, qui fait main basse sur un sac contenant 1 million de Yuan environ 130 000 euros appartenant à son boss. Il souhaite utiliser cet argent pour sa copine afin d’arranger une opération esthétique qui a mal tournée. Pour réaliser leur coup, les deux tourtereaux envisagent de partir en Corée du Sud, un pays pionnier en la matière et aux prix relativement abordables.

Évidemment rien ne va se passer comme prévu, et le héros va être confronté à différents personnages, des hommes de main de son Boss et des femmes facilement séduites par cette montagne de billets verts. Entrecoupé de moments lents, voire contemplatifs digne des films du Studio d’animation de Shanghai qui connu son âge d’or dès 1926 avec la Révolte des silhouettes en papier et de l’influence des films de comédie noire tels Fargo ou bien plus récemment Logan Lucky, de Steven Soderbergh, également présenté durant cette 30ème édition du TIFF, Liu Jian nous offre un film à la qualité visuelle très rare, mélangeant des couleurs vives représentant le coté chaleureux des campagnes chinoises, à des teintes très sombres, contraste d’une région victime d’une récession économique représentée par des quartiers fantômes composés de maisons traditionnelles chinoises en passant par la vue de dizaines d’usines abandonnées sur le bord des routes.

Le film détonne par son aspect très épuré qui pourrait déplaire à ceux préférant l’animation japonaise car Liu Jian a voulu faire de son film d’animation une œuvre réaliste. Ici, nous sommes loin des personnages nippons aux grands yeux. Avec leurs traits fins, les personnages peuvent nous rappeler ceux calqués à la manière d’un Scanner Darkly, où Keanu Reeves était ‘’cartoonisé’’ grâce à la technique dite de rotoscopie (film en prise réelle puis adapté en dessin animé) ce qui apporte une description quasi parfaite de ces personnages même si dans ce film il n’en est rien.

Dans Have a Nice Day, le réalisateur nous montre toute sa palette de ses influences artistiques. Étant lui-même diplômé de l’Université des Arts de Nanjing, Liu Jian aime laisser des indices sur ces mentors. Lors d’une scène on peut clairement voir un tableau évoquant le style de l’artiste contemporain Yue Minjun, qui avec ses visages ronds aux sourires effrayants a permis de démocratiser l’art moderne chinois prisonnier pendant des décennies de la censure du régime de Pékin.

Avec Have a Nice Day, on retrouve aussi toute l’influence de l’histoire contemporaine du pays grâce notamment à une scène psychédélique dans un style pop-art à la manière d’un Wang Guangxi qui rappelle ses grandes fresques de propagande de la révolution culturelle Maoïste en y mélangeant les symboles classiques de l’ancienne Chine, représentée par les habits et les musiques traditionnelles.

Le film reste cependant difficilement accessible pour celles et ceux qui n’ont pas de connaissances sur la culture chinoise mais reste un excellent moyen de divertissement pour combler ce vide. On retrouve même un coté No Country For Old Men avec la présence d’un pistolet à pression et des personnages enclin à de longues tirades philosophiques sur la vie, la mort, le passé et le futuravant de les conclure par des actes de violences.

Liu Jian a voulu créer un pont entre deux cultures et deux courants artistiques qui l’ont influencés pour réaliser son film d’animation, un  »Fargo dans l’empire du milieu ». Les puristes crieront au chef-d’oeuvre alors que d’autres y verront un film d’animation ennuyeux et élitiste. De notre coté nous avons fait notre choix à vous de faire le votre.

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