Critique : Les Anges Déchus de Wong Kar Wai

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Les Anges Déchus (墮落天使, Fallen Angels), 5e long-métrage du réalisateur hong-kongais Wong Kar Wai, ressort en Octobre 2017 au cinéma, déjà disponible en Dvd et en Bluray dans le coffret La révolution Wong Kar Wai comprenant 5 films chez Arp sélection. La critique a été effectuée à partir du Bluray.

L’histoire : Hong Kong la nuit. Un tueur à gages souhaite raccrocher. Sa partenaire l’aime en secret, elle croise dans un hôtel un homme muet. Cet homme s’accapare des échoppes la nuit pour se soustraire à l’ennui. Il rencontrera Charlie, jeune femme un peu folle souhaitant se venger d’un ex…

Les Anges Déchus fait suite à Chungking Express, réalisé en 1994. Pas vraiment une suite, il intégrait le scénario d’origine de Chungking Express, qui finalement ne s’est concentré que sur deux histoires, celle de Faye Wong et Tony Leung, et celle de Takeshi Kaneshiro et Brigitte Lin. Avec Les Anges Déchus, on a donc une impression de déjà vu, tant sur le fond que sur la forme quand on connaît Chungking Express.

Mais là où Chungking Express développait un romantisme poétique exacerbé dans sa seconde partie (difficile de ne pas tomber amoureux de Faye Wong et de Tony Leung), qui plongeait le spectateur dans une des histoires d’amour les plus originales de cette fin de siècle, Les Anges Déchus est lui beaucoup plus sombre et nihiliste. En effet, Wong Kar Wai nous présente différents visages de la solitude dans un Hong-Kong nocturne : un tueur à gages désabusé,  sa partenaire secrètement amoureuse, le muet qui prend place la nuit dans des boutiques fermées, Charlie qui reste amoureuse de son ex, Blondie complètement illuminée… Tant de personnages ‘seuls’ qui aimeraient peut-être sortir de leur solitude mais en sont incapables… comme des anges tombés sur terre ne trouvant pas leur place parmi les hommes.

Malgré cette ambiance plus sombre, la réussite de Wong Kar Wai consiste à proposer un film pop, mêlant séquences d’action sur fond musicale trip hop à des scènes de comédie absurde avec le muet (Takeshi Kaneshiro). Les Anges Déchus ne nous ennuient jamais, intriguent parfois, mais montrent avec justesse les tourments de l’âme humaine peinant à communiquer avec son prochain. Les personnages sont complètement atypiques, irréalistes, et pourtant nous sommes touché par la force du propos : la difficulté d’aimer. Ici on ne voit plus un tueur à gages et sa partenaire mais simplement un couple qui pourrait s’aimer…sans y arriver.

De nombreux clins d’œil font référence à Chungking Express, comme Takeshi Kaneshiro qui a perdu la parole à force d’avoir mangé des boites d’ananas périmés, Charlie se métamorphosant en hôtesse de l’air devant le même Takeshi Kaneshiro devenu serveur du fast food de Chungking… Les deux films sont deux faces d’une même œuvre, Wong Kar Wai travaillant, polissant sa quête des relations sentimentales, nous immergeant dans le vague à l’âme de ses personnages.

Côté mise en scène, Wong Kar Wai a l’inspiration divine et foutraque, lui permettant tous les excès cinématographiques : très grand angle, accéléré, ralenti, photo saturée, camera portée, poussée, lancée… Rien n’arrête le cinéaste hong-kongais, épaulé de son chef opérateur Christopher Doyle, mais pour le bonheur du spectateur, tout est juste, à sa place, donnant l’impression d’être face à une partition free jazz maîtrisée. Wong Kar Wai a créé un style qui lui est propre avec cette série de films (Chungking express, Les Anges Déchus, Happy Together), il fût souvent imité mais rarement égalé, car il ne suffit pas de balader sa caméra à bout de bras pour filmer avec justesse les visages, les corps, et en dévoiler les sentiments.

Concernant le Bluray, on a droit à un master restauré, résolution 1080p 24 i/s, l’image est belle, contrastée, un léger grain demeure, le travail sur les ambiances de couleur rend parfaitement hommage au chef opérateur. Le son est en 5.1 Dts Hd pour le cantonais, 2.0 pour la piste française.

En unique bonus, nous avons droit à une interview d’époque en qualité Sd de Christopher Doyle, l’image est malheureusement constellée d’artefacts et de pixels corrompus, typique des premières bandes numériques usées. L’interview reste intéressante bien que surprenante.

Les Anges Déchus peut se voir seul mais s’appréciera encore plus si on connaît Chungking Express, il en reste pas moins un poème visuel et sensuel des plus enivrants qui donne envie de se perdre dans Hong-kong la nuit…  Comme dirait le tueur à gages : « on a tous besoin d’un partenaire », Les Anges Déchus sera celui de Chungking Express.

Les Anges Déchus de Wong Kar Wai
Note des lecteurs8 Notes
Les mise en scène inspirée
Les images hypnotiques
Le montage explosé
La musique
Plus noir et moins émouvant que Chungking express
4