Critique : I am Not Madame Bovary de Feng Xiaogang

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Li Xuelian est une jeune femme révoltée et obstinée. Après un faux divorce entreprit avec son mari Qin Yuhe dans le but d’obtenir un nouveau logement et d’éviter d’éventuels déboires administratifs, ce dernier l’a trahi finalement pour se marier, six mois plus tard, à une autre femme. Li s’engage alors dans un long combat pour la justice et pour son honneur, enchaînant les déceptions auprès des hommes qu’elle rencontrera. Ce qu’elle souhaite : Se re-marier à Qin Yuhe pour re-divorcer en bonne et due forme. Ou alors simplement le tuer.

I Am Not Madame Bovary est une comédie dramatique chinoise réalisée par Feng Xiaogang (True Legend, Lao Pao Er) et prévue en salles le 5 juillet 2017.

I Am Not Madame Bovary saura tout de suite se distinguer grâce à ses jeux de formats et ses prouesses esthétiques et avant-gardistes. Dans un cadre majoritairement circulaire rappelant l’art chinois, de sublimes images sur plans moyens et plans américains défileront sous vos yeux, arborant des couleurs sépia et des effets de profondeurs remarquables. Donnant l’impression d’espionner depuis le trou d’une serrure, vous pourrez suivre les tribulations de Li Xuelian à travers une série de scénettes soigneusement mises en scène. Pour les scènes clés, le fameux cadre circulaire s’éclipsera pour un format carré et laissera place à un format rectangulaire pour la scène finale. Appréciez également les quelques traces de musiques traditionnelles qui agrémenteront joliment certaines transitions.

Dans le rôle principal, nous retrouvons Fan Bingbing (X Men : Days of Future Past, The Lady in the Portrait), superstar chinoise enlaidie en paysanne bornée et attachante. Comparée à une Pan Jinlian dans le long-métrage (Le titre original du film étant d’ailleurs Wo bu shi Pan Jinlian), c’est à dire à une femme seule et immorale, Li décide de coller un procès à chacun des hommes qui refusera de l’aider à se venger de Qin Yuhe : Le chef de district, le préfet, et le président de la cour.
Justicière dans l’âme, elle fera malgré tout preuve d’une éthique douteuse lorsqu’elle tentera de profiter de l’affection des paysans du coin pour leur demander d’assassiner son ancien époux. Peste obstinée, femme imbattable, et victime d’injustices seront les trois casquettes que revêtira l’antipathique mais vaillante Li durant ses dix ans de procès contre les hommes qui ne souhaitent pas entendre les paroles d’une femme célibataire bafouée. Nous soulignerons le talent incontesté de Fan Bingbing qui sait s’adapter à tous genres cinématographiques. L’actrice faisait notamment partie du jury du Festival de Cannes 2017.

I Am Not Madame Bovary tire un portrait audacieux, satirique et moderne de l’Empire du Milieu et de ses désagréments administratifs et politiques. Fen Xiaogang dénonce une société patriarcale dans laquelle la fonction passe avant l’humain. Les hommes fonctionnaires, avides et aveugles face aux problèmes du petit peuple, n’ont que faire des lamentations de la jeune femme bafouée. La virginité avant le mariage, la morale, le statut de femme célibataire, et la loi de l’enfant unique, tous sont des sujets d’actualités auxquels touche le réalisateur avec une grande véracité et une sincérité remarquée. Quelques répliques ironiques et sarcastiques nous feront également sourire, car le film sait faire preuve d’humour.

Réaliste et sans artifices, I Am Not Madame Bovary prendra la forme d’un long récit judiciaire sans fin. Gare aux amoureux d’aventures et de rebondissements, car le rythme de narration pourra se montrer très lent, et laissera place à diverses méditations personnelles sur la vie. 2h20, c’est la durée du film, et il faudra donc faire preuve d’une grande patience pendant certaines scènes bien moins pertinentes que d’autres. Un défaut qu’on peut sans doute surmonter tant les images sont belles.
Le dénouement est réussi, et donne un sens nouveau à l’oeuvre, qu’on aurait aimé avoir plus tôt afin d’appréhender l’intrigue d’une manière bien plus complexe qu’elle ne semblait paraître au départ.

Un léger déséquilibre entre la forme et le fond, donc, mais un intérêt toujours marqué. I Am Not Madame Bovary a reçu le Coquillage d’Or du Meilleur Film et le Coquillage d’argent de la Meilleure Actrice au Festival de San Sebastian en 2016. Un chef-d’oeuvre visuel à ne pas manquer pour les esthètes affirmés, et pour les amateurs de récits de vie dénonciateurs d’impunités.

I am Not Madame Bovary
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