Critique : Destruction babies de Tetsuya Mariko

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Mitsuhama, port du Shikoku, sud le plus rural du Japon. Là vivent deux frères orphelins, Taira et Shota Ashiwara. L’aîné, Taira, est obsédé par l’idée de se battre. Un jour où il a été passé à tabac par un groupe, il rejoint Matsuyama, la grande ville la plus proche, à la recherche d’adversaires forts à qui se mesurer. Débute alors dans son sillage une escalade de violence.

Premier uppercut de la 11e  édition du festival du cinéma japonais contemporain, Kinotayo, Destruction babies de Tetsuya Mariko dépeint la descente aux enfers d’un jeune homme attiré par la violence telle une drogue. Autant le dire d’entrée, Destruction babies est une œuvre âpre, qui divisera les spectateurs. La description de la violence y est anti commerciale, rien de spectaculaire, ou de divertissant, ici la représentation de la violence se veut documentaire et froide, le film est d’autant plus dérangeant.

Destruction Babies ne semble pas vouloir emprunter les codes d’un film conventionnel, ni même des films ayant un sujet proche tel Fight club (Fincher) ou Orange mécanique (Kubrick) ou du coté japonais les films de Sono Sion. Le film débute sans exposer réellement ses personnages, les premières images montrent une bagarre de rue entre jeunes dans laquelle Taira, interprété par Yuya Yagira (Nobody knows), se prend une raclée. Il disparaît, son jeune frère, Shota prédit qu’il ne reviendra jamais …

S’en suit le parcours mortifère d’un jeune homme dont on ne sait rien, ni le son de sa voix, ni si il est vraiment fou, qui provoque les badauds pour les affronter physiquement. D’abord un musicien dans une ruelle, puis un groupe de lycéens, puis des yakuzas, Taira ne s’arrête pas au physique, il choisit ses proies à l’instinct, dans l’attente d’un retour de flammes. Clairement il cherche à se faire mal autant qu’il apprécie porter les coups.

La première heure est ainsi construite, de bagarres répétitives jusqu’au dégoût, car le spectateur n’a aucune piste de compréhension. La caméra de Tetsuya Mariko semble être seulement témoin de faits divers, ne nous expliquant en rien le but du personnage.
Dans la seconde partie du film, le scénario prend une tournure plus construite avec des personnages qui vont suivre de gré ou de force Taira, on citera au passage Nana Komatsu qu’on a pu découvrir dans le très bon The world of kanako (Nakashima Tetsuya) en 2014.

Plus le film avance, plus la situation semble désespérée, mais pas pour Taira étrangement, mais plutôt pour la société qui n’arrive pas à l’arrêter, et qui produit sa publicité à travers la viralité de ses vidéos de bagarres, et du fait qu’il peut aussi devenir un exemple à suivre.

Destruction babies nous rappelle beaucoup Bozo / Botchan de Tatsuhi Omori (adapté d’un fait divers) qu’on avait découvert il y a 3 ans déjà au Kinotayo, dans l’expression d’une société japonaise qui produit des marginaux qui sont prêts à tout pour exister seulement un moment… Dans Botchan, il y avait déjà cette solitude, cette incommunicabilité, ces personnages dérangeants, ce désespoir d’un Japon qui laisse sur le bas côté des gens qui ne sont pas dans la norme. Ici dans Destruction Babies, Shota et Taira sont orphelins, recueillis par un homme qui leur a donné un simili « toit » mais sans les aimer visiblement. Mais est ce réellement l’explication, pas forcément, il s’agit d’une piste.

En conclusion, Destruction babies divisera les spectateurs car il est intransigeant dans son voyage au cœur de la violence, mais la proposition de Tetsuya Mariko possède une force assez incroyable, à la fois documentaire (inspirée par des entretiens avec un jeune ayant vécu ce type de situation) mais aussi cinématographique car la partition de Yuya Yagira est réellement impressionnante. Le jeune homme réussi à apporter  une âme à son personnage, dans les moments de calme surtout, quand il ne se bat pas, on n’en saura pas plus sur ses intentions, le pourquoi, mais Yuya Yagira incarne son personnage et arrive à lui donner une épaisseur, de l’humanité malgré tout.

Destruction babies passe encore pour 4 projections au Kinotayo, on vous le recommande pour découvrir un cinéaste intransigeant qui risque de faire pas mal parler de lui à l’avenir, mais âme sensible s’abstenir.

 

 

Critique : Destruction babies de Tetsuya Mariko
Mitsuhama, port du Shikoku, sud le plus rural du Japon. Là vivent deux frères orphelins, Taira et Shota Ashiwara. L’aîné, Taira, est obsédé par l’idée de se battre. Un jour où il a été passé à tabac par un groupe, il rejoint Matsuyama, la grande ville la plus proche, à la recherche d’adversaires forts à qui se mesurer. Débute alors dans son sillage une escalade de violence.
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