Coffret Carlotta : Nagisa Oshima + critique Le petit garçon (1969)

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Nous revenons sur un coffret indispensable pour les amateurs de cinéma japonais, à savoir le coffret Nagisa Oshima (Dvd/bluray) édité par Carlotta.

Nous retrouvons pas moins de 9 films du maître japonais dans des versions remastérisées, dont 3 films qui bénéficient d’une version HD en Bluray (aussi disponible en édition simple): La pendaison, La cérémonie et Le petit garçon.

Pour la majorité, ils sont pour la première fois édités en Dvd en France, il était jusqu’alors quasi impossible de voir Le journal d’un voleur de Shinjuku ou Carnets secrets de ninja (collaboration avec le maître du manga Sanpei Shitaro). Les films sont tous présentés par Mathieu Capel (historien et critique en cinéma japonais) qui recontextualise chaque film dans son époque et dans l’évolution d’Oshima.
Les films d’Oshima des années 60 sont tour à tour contestataires, révoltés, politiques, libres, artistiques, expérimentaux, à la fois minimalistes et stylisés, soutenu constamment par un propos sur ce japon qui change. Japon qui pense encore le plaies de l’après guerre, qui vit son expansion économique, ses révoltes étudiantes, ses questionnements à sa relation avec les Etats-unis, etc…, Tant de sujets abordés, qui reflètent ce pays en plein transition, bouillonnant culturellement et politiquement, qui font d’Oshima un des pères fondateurs de la nouvelle vague version japonaise.

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– DVD 1 & Blu-ray 1 : La pendaison (N&B – 1.85 – 118′ en Blu-ray – 113′ en DVD)
– DVD 2 & Blu-ray 2 : Le petit garçon (Couleurs – 2.35 – 97′ en Blu-ray – 93′ en DVD)
– DVD 3 & Blu-ray 3 : La cérémonie (Couleurs – 2.35 – 123′ en Blu-ray – 118′ en DVD)
– DVD 4 : Carnets secrets des ninjas (N&B – 1.33 – 113′) + Le journal de Yunbogi (N&B – 1.33 – 24′)
– DVD 5 : Journal d’un voleur de Shinjuku (N&B et couleurs – 1.33 – 92′) + Le piège (N&B – 2.35 –   101′)
– DVD 6 : Il est mort après la guerre (N&B – 1.33 – 90′) + Une petite soeur pour l’été (Couleurs – 1.33 – 91′)

 

 

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Le petit garçon

Le petit garçon est l’un des films les plus conventionnels du coffret. Sorti en 1969, il raconte la vie d’une famille, un couple avec ses deux enfants, qui font des escroqueries à l’accident de voiture. C’est d’abord la mère qui se jette sous les roues des automobiles pour obtenir un dédommagement, puis rapidement, les parents pensent obtenir plus d’argent avec Toshio, leur fils de 10 ans, jouant la victime.

Sur le fond, Le petit garçon s’avère relativement conventionnel, car on est là en présence d’un road movie, suivant cette famille qui n’a rien d’une famille. C’est là où le film devient moins conventionnel en cassant les codes de la structure familiale. Les parents, irresponsables au possible, sont comme des gamins poursuivant un jeu de rôle et un jeu de chat et de la souris. Le petit garçon, Toshio, lui devient rapidement adulte, confronté à la folie de ses parents, il s’occupe de son petit frère en lui racontant des histoires d’extraterrestre, puis il s’enfuit en prenant le train tout seul, et enfin décide de revenir pour « travailler », car il sait que c’est le seul moyen de subvenir au besoin de la famille.

La famille doit constamment bouger car elle commence à faire de plus en plus parler d’elle, de Shikoku à l’extrême nord d’Hokkaido, la famille fuit, recommençant inlassablement le « jeu » de l’accident. Arrivée au bout du Japon, la famille ne peut plus fuir, « le Japon est trop petit » dit alors Toshio, l’enfant, comme si le pays entier était devenu une aire de jeu… mais ce n’est pas un jeu, Toshio ayant dorénavant de vraies blessures.

Le petit garçon a un sujet dur mais n’est jamais complaisant, ni ne tombe jamais dans le pathos, Oshima raconte son histoire, séquence après séquence, sans s’apitoyer, il nous met dans la position de témoin, au spectateur de juger.

Sur la forme, Oshima expérimente sur la photographie, des changements de couleurs, d’une scène à l’autre, d’un plan à l’autre, parfois dés-saturant complètement l’image, comme si il enlevait la liberté feinte de la famille, comme si l’étau se resserrait, et nos émotions à travers la photographie aussi.

En conclusion, Le petit garçon est un magnifique film sur l’enfance désillusionnée, sur l’enfance perdue, sur une société japonaise dans les années 60 en perte de repère, un drame sensible et sincère qui marquera par sa maîtrise, et la justesse de Toshio, interprété par Tetsuo Abe.