Critique : Miss Hokusai de Keiichi Hara

3.5

L’histoire : En 1814, Hokusai est un peintre reconnu de tout le Japon. Il réside avec sa fille O-Ei dans la ville d’Edo (l’actuelle Tokyo), enfermés la plupart du temps dans leur étrange atelier aux allures de taudis. Le ‘fou du dessin’, comme il se plaisait lui-même à se nommer et sa fille réalisent à quatre mains des oeuvres aujourd’hui célèbres dans le monde entier. O-Ei, jeune femme indépendante et éprise de liberté, contribue dans l’ombre de son père à cette incroyable saga artistique.

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Adaptation du manga Sarusuberi de Hinako Sugiura, Miss Hokusai raconte une partie de la vie d’une des filles du maître de la peinture japonaise à travers un point de vue à la fois documenté et fantasmé.

Miss Hokusai dresse donc le portrait d’O-Ei, la fille d’Hokusai, qui vit et travaille avec son père. Histoire méconnue et tout à fait fascinante, car raconter la vie d’O-Ei, de son travail commun avec son père met en perspective l’œuvre du maître et nous donne un nouveau regard sur celle-ci. En effet, l’héritage artistique d’Hokusai s’en trouve au final partagé, il n’y a désormais plus un maître mais deux. Nombre d’artistes aujourd’hui ont des assistants / petites mains qui travaillent avec et pour eux, mais dans ce cas, que ce soit la propre fille du peintre, c’est révélateur d’une modernité impensable pour l’époque, surtout qu’O-Ei ne fait pas qu’assister Hokusai mais crée ses propres œuvres.

Le film décrit une jeune femme au caractère bien trempée, le chara design lui donne par ailleurs un visage assez fermé, O-Ei suit les pas de son père tout en tentant parfois de s’y opposer. En effet, à la différence de son père, O-Ei se veut proche de sa demi-sœur atteinte de cécité. Elle lui rend visite, la promène, partage des moments simples, les scènes les plus intimistes et les plus réussies se trouvent dans cette relation.

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Sur la forme, Miss Hokusai nous fait voyager dans le temps, à l’époque Edo, dans un Tokyo qui s’appelle encore Edo justement. Les quartiers en bois, les petites ruelles, les courtisanes en kimono, les marchands ambulants, etc. les dessins justes et précis, restituent avec brio la capitale de cette époque.

En contre pied de l’image documentée, Keiichi Hara a choisi de placer des musiques modernes, des morceaux rock avec guitares saturées pour accompagner certaines séquences du film. L’effet est détonnant, mettant en exergue la «modernité» de cette jeune femme.

Autre liberté, l’aspect fantasmagorique du film, qui est développé par exemple pour la création de certaines œuvres, comme la scène du dragon. Parfaitement mises en scène,

ces séquences apportent une dimension onirique forte, faisant echo à l’inspiration des peintres de l’époque, capable d’imaginer et de créer sur la toile les créatures les plus improbables et fantasmagoriques, comme les fameux Yokai, dont Hokusai fit différents livres d’images.

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Bien que la narration semble se perdre sur trop de pistes explorées à savoir les relations père/fille, maître/élève, les deux sœurs, la vie sentimentale d’O-Ei,… le film de Keiichi Hara possède de grandes qualités, d’abord concernant la reconstitution historique nous plongeant dans une époque Edo fascinante, mais au delà de la véracité historique, ce sont les envolés poétiques et ce portrait de femme juste, qui permettent à Miss Hokusai d’être une œuvre tout à fait originale qu’il faut découvrir.

Mais aussi, Miss Hokusai nous ouvre une porte d’entrée sur l’œuvre d’Hokusai permettant également d’y voir une nouvelle lecture, et dorénavant devant un dessin du maître, on se demandera si ce n’est pas la talentueuse O-Ei qui est derrière ?

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Miss Hokusai est une production des studio IG (Ghost in the shell), prix du jury au festival d’annecy 2015, le film de Keiichi Hara, distribué par Eurozoom, est édité bluray et dvd chez @Anime.